Bernard Mandeville

 

 

 

Bernard Mandeville,
La Fable des abeilles, Première Partie,
Intro., tr. et notes de Lucien et Paulette Carrive,Vrin, 1998 (2e éd.), p.135-142.

De la tyrannie qui s'attache 
à la destruction gratuite des bêtes

Si on remonte jusqu'aux origines des nations les plus florissantes, on verra que dans les lointains débuts de toute société, les gens les plus riches et les plus considérables ont commencé par être très longtemps dénués d'un grand nombre des douceurs de l'existence dont jouissent aujourd'hui les plus humbles et les plus misérables. Aussi / bien des choses qui passaient autrefois pour des inventions de luxe sont maintenant permises même à ceux dont l'indigence extrême a fait les objets de la charité publique et même paraissent tellement nécessaires qu'il nous semble qu'aucun être humain ne devrait en être privé.

Dans les premiers âges, l'homme, sans aucun doute, se nourrissait des fruits de la terre sans aucune préparation et se reposait, nu comme les autres animaux, sur le sein de leur mère à tous. Tout ce qui depuis a contribué à rendre la vie plus confortable, puisqu'on n'a pu y arriver que par la pensée, l'expérience, et un certain travail, mérite donc plus ou moins le nom de luxe selon que cela a exigé plus ou moins de labeur et s'éloigne plus ou moins de la primitive simplicité. Notre admiration ne s'étend qu'à ce qui est neuf pour nous, et nous ne remarquons pas l'excellence de ce à quoi nous sommes accoutumés, si recherché que ce puisse être. On rirait de celui qui verrait du luxe dans l'habit tout simple d'une pauvre femme qui va vêtue d'une grosse robe d'indigente assistée, avec une chemise grossière par-dessous ; et pourtant combien de gens, combien de métiers, quelle variété d'arts et d'instruments n'a-t-il pas fallu pour obtenir le gros drap le plus ordinaire ? Quelle profondeur de pensée et d'ingéniosité, quelle peine et quel travail, et quelle longueur de temps a-t-il fallu dépenser avant que les hommes aient appris / à partir d'une semence à faire pousser et à préparer un article aussi utile que le linge de toile ? (...)

Un autre luxe des pauvres, dont on n'est pas conscient et dont à coup sûr les plus riches s'abstenaient dans l'âge d'or, c'est de manger de la chair animale. En ce qui concerne les modes et les manières de son époque on ne s'interroge jamais sur leur mérite ou leur valeur réelle, et on juge / d'ordinaire non selon la raison mais selon la coutume. Il fut un temps où les rites funéraires étaient de disposer des cadavres par le feu, et la dépouille des plus grands empereurs fut réduite en cendre. Alors l'inhumation était une cérémonie réservée aux esclaves ou constituait ! le châtiment des plus grands criminels. Aujourd'hui rien n'est convenable ou honorable que l'enterrement et l'incinération est réservée aux crimes les plus noirs. Tantôt des vétilles nous font horreur, tantôt nous considérons des énormités avec indifférence. Quand on voit quelqu'un le chapeau sur la tête dans une église, même en dehors des services, on est scandalisé, mais si un dimanche soir on croise dans la rue une demi-douzaine d'ivrognes, ce spectacle ne nous fait que peu ou pas d'effet. Qu'une femme dans une partie de plaisir s'habille en homme, c'est une plaisanterie entre amis, et celui qui s'en formaliserait semblerait bien inflexible. Sur une scène de théâtre il n'y a rien à y redire, et les femmes les plus rigides le permettent à une actrice, bien qu'elle expose par là en public ses jambes et ses cuisses ; mais si la même femme, ayant remis ses jupes, laissait voir sa jambe à un homme jusqu'au genou, ce serait une action fort impudique, et tout le monde la traiterait d'effrontée.

/ J'ai souvent pensé que, sans cette tyrannie que la coutume nous impose, on ne verrait jamais des hommes qui ne sont pourtant pas méchants accepter de tuer pour leur nourriture quotidienne un si grand nombre d'animaux alors que la terre généreuse leur fournit avec abondance des aliments agréables et variés. Je sais que la raison n'excite que faiblement notre compassion, et c'est pourquoi je ne m'étonne pas que les hommes aient si peu de pitié pour ces créatures imparfaites que sont les écrevisses, les huîtres, les coques, et tous les poissons en général. Ils sont muets, leur conformation intérieure comme leur forme extérieure sont très différentes des nôtres, leur expression nous est inintelligible ; aussi n'est-il pas étrange que leur douleur n'affecte pas notre entendement, puisqu'elle ne peut l'atteindre. Car rien ne nous touche autant de pitié que des symptômes de souffrance qui frappent immédiatement nos sens, et j'ai vu des gens émus du bruit que fait un homard mis vivant à la broche qui auraient été capables de tuer avec plaisir une demi-douzaine de volailles. Mais pour des animaux aussi parfaits que les moutons ou les boeufs, chez qui le coeur, le cerveau et les nerfs diffèrent à peine des nôtres, chez qui la séparation entre les esprits et le sang, les organes des sens, et par conséquent le sentiment lui-même, sont les mêmes que chez les créatures humaines, je n'arrive pas à imaginer qu'un homme qui n'est pas endurci dans le sang et le carnage puisse les voir mourir dans les affres d'une mort violente / avec indifférence.

La plupart des gens trouveront suffisant de répondre que, puisqu'on admet que toutes choses ont été faites pour servir l'homme, il ne saurait y avoir de cruauté à faire servir des créatures à l'usage auquel elles sont destinées. Mais j'ai entendu faire cette réponse à des gens qui en même temps sentaient en eux-mêmes la nature les convaincre de leur erreur. Il n'y a pas un homme sur dix qui n'avouera (à moins d'avoir été élevé dans un abattoir) que de tous les métiers celui qui lui aurait été le plus impossible est celui de boucher ; je me demande même si quelqu'un a jamais tué un simple poulet sans éprouver la première fois de la répugnance. Il y a des gens qui ne se laisseront jamais convaincre de manger des créatures qu'ils ont vues et connues tous les jours pendant leur vie ; d'autres limitent leurs scrupules aux volailles de leur basse-cour, et refusent de goûter des animaux qu'ils ont nourris et soignés, mais tous mangeront de bon appétit de la viande de boeuf, de mouton ou de volaille quand elle vient du marché. Cette conduite, me semble-t-il, fait paraître quelque chose qui ressemble à un sentiment de culpabilité ; on dirait qu'ils cherchent à s'innocenter de l'imputation d'un crime (qu'ils savent attachée de quelque façon à leur action) en éloignant l'objet aussi loin que possible ; et j'y vois des traces nettes de la compassion et de l'innocence primitives, / que toute la force arbitraire de la coutume, et la violence du luxe, n'ont pas encore pu dominer.

Je me fonde, dira-t-on, sur une folie dont les sages sont exempts. Je l'avoue. Mais puisque cette folie procède d'une passion réelle, inhérente à notre nature, elle suffit à démontrer que nous sommes venus au monde avec une répugnance à tuer, et par conséquent à manger les animaux. Car il est impossible que ce soit un appétit naturel qui nous pousse à faire, ou à faire faire, ce qui nous est en aversion, si folle que soit cette aversion.

Tout le monde sait que les chirurgiens, en soignant des blessures ou des fractures dangereuses, en extirpant des membres ou en se livrant à d'autres opérations effroyables, sont souvent forcés de faire subir à leurs malades des tortures inouïes, et plus ils ont à soigner de cas graves et catastrophiques, plus les cris et les souffrances physiques d'autrui leur deviennent chose familière. C'est pour cela que notre droit anglais, par amour pour la vie des sujets, ne leur permet pas d'être jurés dans une affaire capitale, comme si leur métier suffisait à les endurcir et à abolir en eux cette sensibilité sans laquelle personne ne peut juger à son vrai prix la vie de ses semblables. Or si ce que nous faisons aux bêtes devait nous être indifférent, et qu'on ne dût voir aucune / cruauté dans leur mise à mort, pourquoi est-ce que de tous les métiers ce seraient les bouchers, seuls avec les chirurgiens, qu'une même loi exclut du nombre des jurés (1) ?

Je ne veux pas tirer argument de ce que Pythagore et d'autres sages ont dit sur la barbarie qu'il y a à manger de la chair. Je me suis déjà trop écarté de mon sujet, et je supplierai donc le lecteur, s'il en veut davantage sur ce point, de parcourir la fable qui suit ; mais s'il est fatigué, qu'il la saute, et qu'il soit sûr que de toute façon il me fera un égal plaisir.

Un négociant romain (2) pendant une des guerres puniques, fut jeté sur la côte de l'Afrique ; lui et son esclave réussirent avec beaucoup de peine à gagner le rivage sains et saufs ; mais allant chercher du secours, ils rencontrèrent un lion de grande taille. C'était une bête de celles qui vivaient au temps d'Esope, une bête qui non seulement parlait plusieurs langues, mais semblait fort au courant des affaires des hommes. L'esclave grimpe sur un arbre, mais son maître, craignant que cet abri ne fût pas sûr, et ayant beaucoup entendu parler de la générosité des lions, tomba à genoux devant lui en donnant tous les signes de la crainte et de la soumission. Le lion, qui venait de manger à sa faim, lui ordonne de se lever et de ne pas craindre pour l'instant, l'assurant qu'il ne le toucherait pas s'il pouvait lui donner une raison passable de / ne pas être dévoré. Le négociant obéit, et ayant désormais quelques lueurs d'espoir de s'en tirer, il fit le triste récit du naufrage dont il avait été la victime, et s'efforçant d'émouvoir par là la pitié du lion, il plaida sa cause avec beaucoup d'excellente rhétorique ; mais remarquant à l'air de l'animal que la flatterie et les belles paroles ne l'impressionnaient guère, il eut recours à des arguments plus solides, et s'appuyant sur l'excellence de la nature de l'homme et de ses capacités, il démontra qu'il était bien peu vraisemblable que les dieux ne l'eussent pas fait pour un usage plus noble que d'être mangé par les bêtes sauvages. Là-dessus le lion se fit plus attentif, et daigna répondre de temps à autre, tant et si bien que le dialogue suivant s'instaura entre eux :

-Oh animal vain et cupide, dit le lion, que l'orgueil et l'avidité poussent à quitter son sol natal, où ses besoins naturels pouvaient être abondamment satisfaits, pour s'aventurer sur des mers orageuses et des montagnes dangereuses y chercher du superflu, pourquoi voulez-vous que votre espèce vaille mieux que la nôtre ? Et si les dieux vous ont fait supérieurs à toutes les créatures, pourquoi alors supplier un inférieur ?

-Notre supériorité, répondit le négociant, ne consiste pas dans la force corporelle, mais dans la vigueur de l'intelligence ; car les dieux nous ont attribué une âme raisonnable qui, bien qu'invisible, est de loin ce qu'il y a de meilleur en nous.

-Je ne veux rien toucher que ce qui en vous est bon à manger ; / mais pourquoi vous trouvez-vous si précieux à cause de cette partie invisible ?

-Parce qu'elle est immortelle et qu'elle trouvera après la mort la récompense des actions accomplies dans cette vie, et les justes jouiront d'une béatitude et d'une tranquillité éternelles dans les Champs-Elysées en compagnie des héros et des demi-dieux.

-Quelle vie avez-vous menée ?

-J'ai toujours honoré les dieux, et j'ai cherché à faire du bien aux hommes.

-Alors pourquoi craignez-vous la mort, si vous croyez que les dieux sont aussi justes que vous l'avez été ?

-J'ai une femme et cinq petits enfants qui tomberont dans le besoin s'ils me perdent.

-Moi j'ai deux petits qui ne sont pas en âge de se débrouiller tout seuls, et qui mourront bel et bien de faim si je ne peux pourvoir à leurs besoins. Il y aura toujours une façon de subvenir aux besoins de vos enfants, en tout cas aussi bien quand je vous aurai mangé que si vous aviez été noyé.

Quant à l'excellence de nos deux espèces, le prix des choses augmente toujours chez vous avec leur rareté, et pour un million d'hommes il se trouve à peine un seul lion ; de plus, toute la vénération que l'homme prétend éprouver pour ses congénères ne contient guère de sincère que l'orgueil particulier que chacun éprouve à y appartenir. C'est une folie de vous vanter de la tendresse et des soins que vous donnez à vos petits, ou de la peine que vous prenez si fort et si longtemps pour les élever. L'homme étant à sa naissance le plus démuni et le plus impuissant des animaux, il n'y a ici qu'un instinct par lequel la nature proportionne toujours dans toutes les créatures / la sollicitude des parents aux besoins et aux faiblesses de leur progéniture. Si vraiment les hommes estimaient leur espèce comment se fait-il qu'on voit souvent dix mille d'entre eux, quand ce n'est pas dix fois plus, massacrés en quelques heures pour une lubie de deux hommes ? Toutes les classes d'hommes méprisent ceux qui leur sont inférieurs, et si vous pénétriez le coeur des rois et des princes vous n'en trouveriez guère qui n'aient moins d'estime pour la plus grande partie des multitudes sur qui ils règnent que ceux-ci n'en ont pour le bétail qui leur appartient. Pourquoi tant de gens prétendent-ils, même si c'est faux, faire remonter leur race aux dieux immortels ? Pourquoi permettent-ils tous que d'autres se mettent à genoux devant eux, et prennent-ils un plus ou moins grand plaisir à se faire rendre des honneurs divins, sinon pour suggérer qu'ils sont eux-mêmes d'une nature plus noble et d'une espèce plus haute que celle de leurs sujets ?

Sauvage je le suis, mais aucune créature ne mérite le nom de cruelle à moins d'avoir éteint en elle, par méchanceté ou par insensibilité, sa pitié naturelle. Le lion est né dépourvu de compassion, nous suivons l'instinct de notre nature ; les dieux ont voulu nous faire vivre des bribes et des restes des autres animaux, et tant que nous trouvons assez de cadavres, nous ne chassons jamais les animaux vivants. Il n'y a que l'homme, l'homme malfaisant, qui sait faire de la mort un divertissement. La nature a enseigné à votre estomac à ne désirer que des végétaux ; mais le violent amour du changement que vous avez, et votre passion des / choses nouvelles, vous ont conduit à détruire des animaux sans justice ni cause, ont perverti votre nature et vous ont faussé les appétits au gré de votre orgueil et de votre luxe. Le lion a en lui un ferment qui consume la peau la plus coriace et les os les plus durs avec autant de facilité que la chair de tous les animaux sans exception. Mais votre estomac fragile, où la chaleur digestive est faible et médiocre, ne reçoit même pas leurs parties les plus tendres si elles n'ont pas été d'abord plus qu'à moitié digérées par un feu artificiel. Et pourtant y a-t-il un animal que vous ayez épargné dans votre désir de satisfaire les caprices d'un appétit languissant ? Je dis bien languissant ; car qu'est-ce qu'une faim d'homme comparée à une faim de lion ? La vôtre, au pire, vous fait défaillir ; la mienne m'enrage. J'ai souvent essayé d'en modérer la fureur par des herbes ou des racines, mais en vain. Il n'y a que de la viande en grande quantité qui puisse l'apaiser.

Et pourtant malgré notre faim dévorante, nous avons souvent, nous autres lions, rendu les bienfaits reçus, tandis que l'homme ingrat et sans foi se nourrit de la brebis qui l'a vêtu, et n'épargne pas ses petits innocents qu'il a pris sous sa garde et sous ses soins. Vous dites que les dieux ont fait l'homme maître de toutes les créatures, mais quelle tyrannie est-ce donc que de les détruire gratuitement ? Non, animaux perfides et lâches que vous êtes, c'est pour la société que les dieux vous ont faits, / ils ont voulu que réunis par milliers vous composiez le puissant Léviathan. Un lion seul a quelque pouvoir dans la création, mais qu'est-ce qu'un homme seul ? Une petite partie insignifiante, un atome négligeable d'une grande bête. Ce que veut la nature elle l'accomplit, et il ne faut juger de ses intentions que par ses effets manifestes. Si son dessein avait été que l'homme, en tant qu'homme et par la supériorité de son espèce, domine sur tous les autres animaux, le tigre, la baleine et l'aigle auraient obéi à sa voix.

Mais si votre esprit et votre intelligence valent mieux que les nôtres, est-ce qu'il ne faut pas que le lion, par respect pour cette supériorité, suive les maximes des hommes, eux pour qui le principe le plus sacré est que la raison du plus fort est toujours celle qui prévaut ? Chez vous des multitudes entières se sont conjurées pour effectuer la destruction d'un homme seul que les dieux, de leur propre aveu, avaient fait leur supérieur ; et on a souvent vu un homme seul causer la ruine et la mort de multitudes entières qu'il avait juré par ces mêmes dieux de défendre et de protéger. Jamais l'homme n'a reconnu une supériorité sans pouvoir, pourquoi agirais-je autrement ? L'excellence que je revendique est manifeste, tous les animaux tremblent en voyant le lion, et ce n'est pas par une terreur panique. Les dieux m'ont donné la vitesse pour rattraper, et la force pour soumettre tout ce que j'approche. Quelle créature a des dents et des griffes comme les miennes ? Voyez ces mâchoires massives et épaisses, / considérez leur largeur, tâtez cette encolure dure et musclée. Le cerf le plus agile, le sanglier le plus féroce, le cheval le plus vigoureux, le taureau le plus fort, sont ma proie où qu'ils soient (3). Ainsi parla le lion et le négociant s'évanouit.

Le lion, à mon avis, avait été trop loin. Et pourtant quand, pour rendre plus tendre la chair des animaux mâles, nous avons empêché en les châtrant leurs tendons et leurs fibres d'arriver à leur résistance normale, j'avoue qu'il me paraît digne d'une créature humaine d'être émue à la pensée du soin cruel que nous mettons à les engraisser pour les tuer. Quand un grand boeuf pacifique, qui a résisté à des coups dont le dixième aurait tué son meurtrier, tombe enfin assommé, et qu'on l'a attaché par les cornes au sol, dès qu'une large plaie a été ouverte et que les jugulaires ont été tranchées, quel mortel saurait entendre sans compassion les meuglements douloureux que le sang étouffe, les soupirs cruels qui expriment sa souffrance aiguë et les gémissements profonds et sonores qu'il arrache dans son angoisse du fond de son coeur puissant et palpitant ? Regardez ses membres secoués de convulsions violentes ; voyez comme son sang fumant répandu à flots l'abandonne, comme ses yeux deviennent ternes et éteints, et contemplez ses efforts, ses râles, sa dernière lutte pour la vie, signes certains de l'issue fatale ! Quand une créature a donné / des preuves aussi convaincantes et aussi incontestables des terreurs qui l'assaillent, des douleurs et des affres qu'elle ressent, y-a-t-il un disciple de Descartes assez endurci à la vue du sang pour ne pas réfuter par sa pitié la philosophie de ce vain raisonneur ?

 

 


 

 

(1) Une loi de 1513 dispensait les chirurgiens de l'obligation d'être jurés. Aucune loi ne parle des bouchers, mais cette idée devait être répandue, car Mandeville n'est pas le seul à la mentionner vers cette époque.

(2) Voltaire s'inspire de cet apologue dans sa satire Le Marseillais et le Lion (1768). Mais le lion s'y montre plus brutal et le marchand plus diplomate ; la conclusion diffère : le dialogue s'achève sur un pacte.

(3) La physiologie du lion exerce sur Mandeville une véritable fascination. Voir par exemple la 2e partie de la Fable, p. 267-268, et le poème rimé, A Description of a Rouz'd Lion, dans le numéro du 20 avril 1723 du St James's Journal.