Théophraste

 

 

 

Théophraste,

dans Porphyre, De l'abstinence, II, 22, 1-3,

texte édité et traduit par J. Bouffartigue et M. Patillon, 

Belles lettres, 2003, Tome 2, p. 89.

Il est à coup sûr injuste de les détruire et de les tuer

[1] Parce que l'amour, je pense, et aussi la perception de la parenté régnaient alors, nul ne commettait aucun meurtre, car l'homme estimait que les animaux lui étaient appro­priés. Mais quand vinrent à régner Arès et le Tumulte ainsi que tous les conflits et sources de guerres, dès lors, en vérité, nul n'épargna plus un seul des êtres qui lui étaient appropriés. [2] Or il faut encore examiner le point suivant : bien qu'une appropriation nous unisse aux autres hommes, nous sommes d'avis qu'il faut détruire et punir tous ceux qui sont malfaisants et qu'une sorte d'impulsion de leur nature particulière et de leur méchanceté semble entraîner à nuire à ceux qu'ils rencontrent. Eh bien, de la même façon, on a peut-être le droit de supprimer, parmi les animaux privés de raison, ceux qui sont par nature injustes et malfaisants, et que leur nature pousse à nuire à ceux qui les approchent. Mais parmi les autres animaux certains ne commettent pas d'injustices, leur nature ne les poussant pas à nuire ; ceux-là, il est à coup sûr injuste de les détruire et de les tuer, tout comme il est injuste de le faire aux hommes qui sont comme eux. [3] Voilà qui semble révéler qu'il n'y a pas qu'une forme de droit entre nous et les autres animaux, puisque parmi ces derniers les uns sont nuisibles et malfaisants par nature, et les autres non – tout comme parmi les hommes.