Henry Salt

 

 

Henry S. Salt,

extrait de The Humanities of Diet,

Manchester, The Vegetarian Society, 1914,

traduction Enrique Utria.

 

Repris dans T. Regan et P. Singer (éd.), Animal Rights, Human Obligations, Prentice Hall, 1976, pp.185-189.

 

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Logique du garde-manger

On dit souvent, pour excuser le massacre des animaux, que pour eux il vaut mieux vivre et être charcutés que ne pas vivre du tout. Or, bien évidemment, si un pareil raisonnement justifie la pratique de manducation de chair, il doit également justifier tout élevage d’animaux à des fins lucratives ou récréatives, quand leur vie est plutôt heureuse. Cet argument est souvent utilisé par les adeptes de la chasse sportive, au motif que le renard aurait disparu depuis longtemps dans ce pays s’ils – ses vrais amis – ne l’avaient pas « préservé » à des fins sportives. Les vivisecteurs, qui élèvent des cochons d’Inde pour l’expérimentation animale, ont aussi usé de cet argument, et ils y ont tout aussi droit que les mangeurs de chair ; car comment, sont-ils en mesure de demander, quelques heures de souffrance peuvent-elles être mises en balance avec l’énorme bénéfice qu’est la vie ? En fait, si jamais nous admettons qu’il est avantageux pour un animal d’être porté au monde, il n’est guère de traitement qui ne puisse être justifié par les supposés termes d’un tel contrat.

L’argument doit aussi s’appliquer au genre humain. De fait, les éleveurs d’esclaves l’ont invoqué ; et il constitue, du point de vue logique, une aussi bonne excuse pour la possession d’esclaves que pour la manducation de chair. Il justifierait à peu près n’importe quel traitement auquel les parents exposeraient leurs enfants, ces derniers ayant envers eux, pour s’être vus octroyer cette grande faveur qu’est la vie, une dette de gratitude qu’aucun service ultérieur ne saurait rembourser. Nous ne pourrions guère nier le même mérite aux cannibales, dussent-ils élever leurs victimes humaines pour les besoins de la table, comme on le rapporte des premiers Péruviens.

Il est consigné, dans un registre aussi digne de foi que le Hansard[1] (7 mars 1883), que lorsque Sir Herbert Maxwell fit valoir devant le parlement qu’un « pigeon bizet » préférerait servir au tir aux pigeons plutôt que ne pas exister du tout, Mr. W.E. Forster a fait remarqué de manière satirique que ce qu’il nous fallait considérer n’était pas un pigeon bizet avant qu’il n’existe, mais pendant qu’il existe. En bref, ici gît la clef de tout le problème. Le fallace tient à la conclusion d’une pensée qui tente de comparer l’existence avec la non-existence. Une personne qui existe déjà peut estimer préférer vivre plutôt que ne pas vivre, mais elle doit d’abord prendre appui sur la terra firma de l’existence pour argumenter à partir d’elle ; dès lors qu’elle entreprend d’argumenter comme du point de vue des abysses du non existant, elle n’émet que non-sens, en prédiquant du bon ou du mauvais, du bonheur ou du malheur, à propos de ce dont nous ne pouvons rien prédiquer.

Quand nous parlons donc de « porter un être », comme nous le disons vaguement, « au monde », nous ne pouvons pas prétendre à la gratitude de cet être pour notre acte, ou conclure un marché avec lui – et un marché très mesquin – sur cette base ; nos devoirs envers lui ne peuvent pas non plus être éludés par pareille chicane (quibble), dans laquelle notre souhait est, de toute évidence, père de nos pensées. Il n’est pas non plus nécessaire d’entrer dans la question de l’existence anténatale, car, s’il y avait une telle existence, nous n’aurions aucune raison de supposer qu’elle est moins heureuse que la présente existence ; et ainsi l’argument s’effondre de même manière. Il est absurde de comparer une préexistence supposée, ou une non-existence, à la vie réelle d’un individu telle que nous la connaissons ici. Tout raisonnement fondé sur une pareille comparaison doit nécessairement être faux, et mener à des conclusions grotesques.

Prenons le cas, tel quel, du Philosophe et du Porc. N’est-ce pas là ajouter une insulte au préjudice, qu’il faille non seulement que cet animal tant massacré soit mangé par le Philosophe, mais qu’il doive aussi être le sujet d’une béatification bien loin d’être désintéressée. « Béni soit le Porc, car le Philosophe est friand de lard[2] ». Nous pouvons imaginer comment le Philosophe, lorsqu’il passe devant une boucherie, endroit qui, à en juger à son étalage, est un très saint et haut lieu d’humanité, puisque sans elle il « n’y aurait point de porc », doit s’arrêter avec une fatuité des plus sereines pour se féliciter des pâles carcasses qui y sont étalées, avec en guise de moquerie une orange d’ornementation dans la gueule. « J’ai été le bienfaiteur de ce Porc », doit-il se dire, « dans la mesure où j’ai mangé une portion de son prédécesseur ; et je serai maintenant le bienfaiteur de quelqu’autre Porc à naître, en mangeant une portion de celui-ci ».

Voilà donc la bénignité du Philosophe envers le Porc ; quelle pourrait être la réponse du second au premier ? « Vénéré moraliste », pourrait-il plaider, « il serait inconvenant de ma part, moi qui suis aujourd’hui un porc, et qui ne sera demain que jambon et saucisses, de disputer avec un maître d’éthique, cependant il apparaît à mon intellect porcin qu’ayant d’abord déterminé de me tuer et de me dévorer, tu t’es par après démené pour trouver une justification morale. Car note, je te prie, qu’à mon entrée en ce monde, on n'a aucunement considéré ma préférence, pas plus que je n’ai acquis ma vie à la condition de finir en boucherie. Si tu es donc résolu à attaquer le porc, ainsi soit-il, pour le porc que je suis : mais bien que tu n’aies point épargné ma vie, épargne moi au moins ta sophistique. Ça n’est pas pour lui, mais pour toi, que, durant sa vie, le Porc est crassement nourri et logé, et qu’il fini charcuté de manière barbare ».

Par quelque bout qu’on prenne ce sophisme, on n’en voit partout le creux. Car même en mettant de coté le vice philosophique qui le corrompt, il reste que, en pratique, bien plus de vies humaines peuvent être entretenues par des culture de grains et de fruits que par l’élevage ; de sorte que si une plus grande surface de l’Angleterre était affectée au « cheptel vif », nous devrions en fait réduire la vie humaine pour faire place à plus de bœufs et de moutons ; c’est-à-dire, que nous devrions augmenter l’existence inférieure aux dépends de l’existence supérieure. Il importe aussi de noter que la vie des animaux condamnés à l’abattage est de bien moindre qualité que si les mêmes animaux étaient entièrement sauvages, ou domestiqués à quelque but rationnel par une association amicale avec l’homme ; le fait même qu’un animal soit sur le point d’être mangé semble l’extirper de la catégorie des êtres intelligents, et être cause que nous le considérons comme une simple viande « animée ». « Garder (To keep) un homme, un esclave, ou un domestique », écrit Edward Carpenter, « pour votre seul avantage, garder un animal, que vous pouvez manger, est un mensonge ». Vous ne pouvez pas regarder cet animal dans les yeux (in the face). L’existence des bœufs, par exemple, peut difficilement être appelée vie ; ils constituent un « cheptel vif[3] », mais ils ne vivent pas. Et les « bêtes engraissées » qu’on exhibe tous les ans au salon de l’Agriculture, à la saison de la paix et de la bonne volonté ? Ces misérables victimes de l’humaine gloutonnerie doivent-elles se montrer reconnaissantes pour cette bénédiction qu’est la vie ? Les oies gavées et les volailles de Strasbourg doivent-elles être reconnaissantes ? Et le veau et l’agneau doivent-ils se féliciter du court laps de temps qu’on leur permet dans le contrat du Ghoul[4], ou devons-nous exclure les mangeurs de veaux et d’agneaux de la liste des bienfaiteurs des animaux ?

Acceptons de bon cœur tout ce qui peut être dit du « caractère joyeux de la vie ». Mais quelle morale doit-on tirer de ce fait ? Certainement pas que nous sommes justifiés à outrager et détruire la vie, à être aux petits soins pour nos appétits égoïstes, parce que, à dire vrai, nous devrions alors en produire plus ! [Il faut bien] plutôt [en conclure] à notre devoir de respecter la beauté et le caractère sacré de la vie dans les autres comme en nous-mêmes, et de nous efforcer de tout notre possible à garantir son développement naturel le plus complet. Cette logique du garde-manger est la négation même d’une vraie révérence pour la vie ; car elle implique que le véritable ami des animaux est celui dont le garde-manger est le plus rempli :

 

Prie le mieux, celui qui mange le plus

Toutes choses tant grandes que petites.

 

C’est la philosophie du loup, du requin, du cannibale. S’il y avait quelque vérité en cet argument, [il suffirait de] laisser ceux qui y croient avoir le courage de leurs convictions, et de les laisser faire face à sa conclusion inévitable. C’est que l’Ogre a été jusqu’à ici un personnage fort incompris, mais aujourd’hui, au moins, la Philosophie et la Science rendent justice à sa bienfaisance. Son organisation a été défaillante, peut-être, mais son esprit est entièrement louable. Il est par excellence le philozooiste, le philanthrope, le saint[5].

En voilà assez de cette chicane ! Le végétarisme sauverait les animaux réels (actual), qui ont été porté au monde réel, de la souffrance très réelle (very real), inséparable du transport et des abattoirs ; et si la seule inhumanité qu’il implique est de perpétuer des races non existantes en n’arrangeant pas leur naissance, il peut supporter l’accusation d’équanimité. S’il y avait une quelconque méchanceté, ou un quelconque manque de bonté, à ne pas élever d’animaux, l’énormité de nos péchés d’omission serait plus que ne pourrait en endurer l’humaine conscience, car le nombre des êtres non nés est sans borne, et parvenir au trône après s’être frayé un chemin jalonné de massacres, pour ensuite « refermer les portes de la miséricorde sur le genre humain », ne serait rien comparé au fait de refermer impitoyablement les portes de la vie sur ces pauvres et négligés êtres non existants !

Il est intéressant de noter que ce fallace - l’hypothèse que c’est bonté que de porter un être au monde – est aussi vieux qu’est lointaine l’époque de Lucrèce. L’auteur du magnifique poème philosophique De rerum natura (V, 176-180) en traite, sous un autre rapport, dans un passage qui peut être ainsi rendu :

 

Quelle perte eût été la nôtre, n’eussions-nous vu le jour ?

Laissons les hommes vivants, à une vie plus longue, aspirer,

Tandis qu’une affection tendre, lie leur cœur à la terre :

Mais qui n’a jamais goûté le désir de la vie,

Être non né, impersonnel, ne peut ressentir le manque[6].

 

Nous voyons donc qu’un vulgaire sophisme contemporain était clairement exposé il y a presque deux milles ans. Il est tout à fait possible que les imbéciles puissent le répéter depuis deux millénaires.  

 

 


 

 

[1]Recueil anglais des débats parlementaires. (Ndt)

[2]« De tous les arguments pour le végétarisme, aucun n’est aussi faible que celui de l’humanité [en faveur des bêtes]. Le porc a un intérêt plus fort que n’importe qui à la demande du lard. Si le monde entier devenait Juif, il n’y aurait plus de porcs ». Leslie Stephen, Social Rights and Duties.
« On a fort bien dit que, si le monde entier était Juif, les porcs n’existeraient plus du tout ; et si le monde entier était végétarien, y aurait-il encore un seul mouton ou bovin soigné et protégé contre la faim ? », D. G. Ritchie, Natural Rights.

[3]Cheptel vient du latin capitale, l’avoir. (Ndt)

[4]Ghoulish contract. Le ghoul est, dans la tradition anglaise, un esprit malin supposé ouvrir les tombes et se nourrir de cadavres humains. (Ndt)

[5]« Si le mobile (motive) qui pouvait produire le plus grand nombre de têtes de bétail le plus heureux possible était de manger du steak (beef), alors cette pratique devrait, dans cette mesure, être louée. Et bien qu'en vérité [notre] mobile n'ait pas été le bétail en lui-même, il est concevable que, si les convictions végétariennes devaient s'étendre bien plus encore, l'amour du bétail fusionnerait (s'il n'est pas incompatible psychologiquement) avec l'amour du bifteck dans les esprits des opposants au végétarisme. Avec une perspective plus profonde, des mobiles nouveaux et supérieurs peuvent remplacer ou suppléer à d'anciens, et perpétuer sinon anoblir d'anciennes pratiques ». Dr. Staton Coit.

[6]Les mêmes vers traduits directement du latin par Kani-turpin (Lucrèce, De la nature des chose, tr. Kani-Turpin, L.V, 176-180, GF, 1998, p.325):


Et quel mal serait-ce pour nous de n'être point créés ?

Croirais-je que la vie gisait dans le deuil et la nuit

avant que ne pointe l'aube de la création ?

Sans doute, une fois né, chacun veut-il en vie,

demeurer tant que l'attrait du plaisir le retient.

Mais qui n'a point goûté à l'amour de la vie

et ne compta jamais au nombre des vivants,

en quoi souffrirait-il de n'être point créé ? (Ndt)

Logic of the larder

It is often said, as an excuse for the slaughter of animals, that it is better for them to live and to be butchered than not to live at all. Now, obviously, if such reasoning justifies the practice of flesh-eating, it must equally justify all breeding of animals for profit or pastime, when their life is a fairly happy one. The argument is frequently used by sportsmen, on the ground that the fox would long ago have become extinct in this country had not they, his true friends, “preserved” him for purposes of sport. Vivisectors, who breed guinea-pigs for experimentation, also have used it, and they have as much right to it as flesh-eaters; for how, they may say, can a few hours of suffering be set in the balance against the enormous benefit of life? In fact, if we once admit that it is an advantage to an animal to be brought into the world, there is hardly any treatment that cannot be justified by the supposed terms of such a contract.

Also, the argument must apply to mankind. It has, in fact, been the plea of the slavebreeder; and it is logically just as good an excuse for slave-holding as for flesh-eating. It would justify parents in almost any treatment of their children, who owe them, for the great boon of life, a debt of gratitude which no subsequent services can repay. We could hardly deny the same merit to cannibals, if they were to breed their human victims for the table, as the early Peruvians are said to have done.

It is on record, in no less authentic a work than “Hansard” (March 7, 1883), that when Sir Herbert Maxwell argued in Parliament that a “blue rock” would prefer to be sport for pigeonshooters than not to exist at all, Mr. W. E. Forster satirically remarked that what we have to consider is not a blue rock before existence, but a blue rock in existence. There, in brief, is the key to the whole matter. The fallacy lies in the confusion of thought which attempts to compare existence with non-existence. A person who is already in existence may feel that he would rather have lived than not, but he must first have the terra firma of existence to argue from; the moment he begins to argue as if from the abyss of the non-existent, he talks nonsense, by predicating good or evil, happiness or unhappiness, of that of which we can predicate nothing.

When, therefore, we talk of “bringing a being,” as we vaguely express it, “into the world,” we cannot claim from that being any gratitude for our action, or drive a bargain with him, and a very shabby one, on that account; nor can our duties to him be evaded by any such quibble, in which the wish is so obviously father to the thought. Nor, in this connection, is it necessary to enter on the question of ante-natal existence, because, if such existence there be, we have no reason for assuming that it is less happy than the present existence; and thus equally the argument falls to the ground. It is absurd to compare a supposed preexistence, or nonexistence, with actual individual life as known to us here. All reasoning based on such comparison must necessarily be false, and will lead to grotesque conclusions.

Take the case, as it stands, between the Philosopher and the Pig. Is it not adding insult to injury that this much-massacred animal should not only be eaten by the Philosopher, but should also be made the subject of a far from disinterested beatification. “Blessed is the Pig, for the Philosopher is fond of bacon”[*]. We can imagine how the Philosopher, when he passes a butcher's shop, which, according to his showing, is a very shrine and centre of humaneness, since without it there would be no pigs at all, must pause in serene self-satisfaction to felicitate the pallid carcase laid out there, with the mockery of an ornamental orange in its mouth. I have been a benefactor to this Pig, he must say, inasmuch as I ate a portion of his predecessor; and now I will be a benefactor to some yet unborn pig, by eating a portion of this one.

This, then, is the benign attitude of the Philosopher towards the Pig; and what shall be the reply of the Pig to the Philosopher? “Revered moralist”, he might plead, “it were unseemly for me, who am to-day a pig, and to-morrow but ham and sausages, to dispute with a master of ethics, yet to my porcine intellect it appeareth that having first determined to kill and devour me, thou hast afterwards bestirred thee to find a moral reason. For mark, I pray thee, that in my entry into the world my own predilection was in no wise considered, nor did I purchase life on condition of my own butchery. If, then, thou art firm set on pork, so be it, for pork I am: but though thou hast not spared my life, at least spare me thy sophistry. It is not for his sake, but for thine, that in his life the Pig is filthily housed and fed, and at the end barbarously butchered.”

From whatever point one looks at this sophism, it is seen to be equally hollow. For even apart from the philosophical flaw which vitiates it, there is the practical consideration that a far greater number of human lives can be supported on a grain and fruit-growing district than on one which rears cattle; so that if a larger area of England were devoted to the rearing of “livestock”, we should actually be lessening human life that there might be more beef and mutton; that is, we should be increasing the lower existence at the expense of the higher. It is worth noting, too, that the life of animals doomed to the slaughter is of a far lower quality than it would be if the same animals were either entirely wild, or domesticated to some rational purpose by friendly association with man; the very fact that an animal is going to be eaten seems to remove it from the category of intelligent beings, and causes it to be regarded as mere animated “meat.” “To keep a man, slave, or servant,” says Edward Carpenter, “for your own advantage merely, to keep an animal, that you may eat it, is a lie; you cannot look that animal in the face.” The existence of bullocks, for example, can scarcely be called life; they are “live-stock,” but they do not live. And what of the “fat beasts” that are yearly exhibited at the Agricultural Hall, and elsewhere, at the season of peace and goodwill? Are these wretched victims of human gluttony to be grateful for the boon of life? Are crammed fowls and Strasburg geese to be grateful? And the calf and the lamb - are they to be felicitated on the rather short term allowed them in the ghoulish contract, or must we except the eaters of veal and lamb from the list of animal benefactors?

Let us heartily accept all that may be said of “the joyfulness of life.” But what is the moral to be drawn from that fact? Surely not that we are justified in outraging and destroying life, to pamper our selfish appetites, because forsooth we shall then produce more of it! But rather that we should respect the beauty and sanctity of life in others as in ourselves, and strive as far as possible to secure its fullest natural development. This logic of the larder is the very negation of a true reverence for life; for it implies that the real lover of animals is he whose larder is fullest of them:

 

He prayeth best, who eateth best

All things both great and small.

 

It is the philosophy of the wolf, the shark, the cannibal. If there be any truth in such an argument, let those who believe it have the courage of their convictions, and face the inevitable conclusion. The Ogre has hitherto been a much misunderstood character, but now at last Philosophy and Science are doing justice to his beneficence. His organization has been defective, perhaps, but his spirit has been wholly commendable. He is par excellence the zoophilist, the philanthropist, the saint.[**]

But enough of this quibbling! Vegetarianism would save the actual animals, who have been brought into this actual world, from the very real suffering that is inseparable from the cattle-ship and the slaughter-house; and if its only inhumanity is that which it perpetrates on non-existent races by not arranging for their birth, it may bear the charge with equanimity. If there were any unkindness, or any lack of kindness, in not breeding animals, the enormity of our sins of omission would be more than the human conscience could endure, for the number of the .unborn is limitless, and to wade through slaughter to a throne, “and shut the gates of mercy on mankind,” would be a trifle in comparison with this cold-blooded shutting of the gates of life on the poor, neglected non-existent!

It is interesting to note that this fallacy - the assumption that it is a kindness to bring a being into the world - is as old as the time of Lucretius, who deals with it, in another connection, in a passage of his great philosophical poem, De Rerum Natura (V. 176.180), which may be rendered thus:

 

What loss were ours, if we had known not birth?

Let living men to longer life aspire,

While fond affection binds their hearts to earth:

But whoso ne’er hath tasted life’s desire,

Unborn, impersonal, can feel no dearth.

 

We see, then, that a vulgar sophism of to-day was clearly exposed nearly two thousand years ago. It is quite possible that fools may be repeating it two thousand years hence.

 

 

 

 


 

 

* “Of all the arguments for Vegetarianism none is so weak as the argument from humanity. The pig has a stronger interest than anyone in the demand for bacon. If all the world were Jewish, there would be no pigs at all,“.Leslie Stephen in “Social Rights and Duties.”

“If all the world were Jews, it has been well said, there would be no pigs in existence; and if all the world were Vegetarians, would there be any sheep or cattle, well cared for, and guarded against starvation?” - Professor D. G. Ritchie in “Natural Rights”.

 

 

 

 

** If the motive that might produce the greatest number of the happiest cattle would be the eating of beef, then beef-eating, so far, must be commended. And while, heretofore, the motive has not been for the sake of cattle, it is conceivable that, if Vegetarian convictions should spread much further, love for cattle would (if it be not psychologically incompatible) blend with the love of beef in the minds of the opponents of Vegetarianism. With deeper insight, new and higher motives may replace or supplement old ones, and perpetuate but ennoble ancient practices.” - Dr. Stanton Coit.