Platon

 

 

 

Platon,

Politique, 268e-274e,

tr. Luc Brisson et Jean François Pradeau, GF, 2005.

Règne de Kronos, végétarisme et paix universelle

L’ÉTRANGER

Eh bien, parmi tous les prodiges dont on parle depuis la plus haute Antiquité, il en est un qui survint jadis, et qui surviendra encore, c'est celui qui se rapporte à la querelle dont on raconte qu'elle éclata entre Atrée et Thyeste. Car tu as sans doute entendu parler et tu te souviens de ce qui, selon la tradition, se produisit alors.

SOCRATE LE JEUNE

Tu veux peut-être parler du signe divin qu'était la brebis à la toison d'or.

L’ÉTRANGER

[269a] Pas du tout, mais de celui du changement du coucher et du lever du soleil et des autres astres, qui se couchaient alors, dit-on, là où ils se lèvent aujourd'hui, et qui se levaient au point opposé. Et c'est précisément à cette occasion que, pour témoigner en faveur d'Atrée, le dieu aurait établi, en les inversant, la configuration actuelle du ciel.

SOCRATE LE JEUNE

C'est là aussi en effet une chose qu'on raconte.

L’ÉTRANGER

Par ailleurs, nous avons entendu beaucoup de récits sur le règne de Kronos.

SOCRATE LE JEUNE

[269b] Un très grand nombre, assurément.

L’ÉTRANGER

Et celle qui rapporte que les hommes d'autrefois naissaient de la terre et ne s'engendraient pas les uns les autres ?

SOCRATE LE JEUNE

Oui, c'est là aussi l'une des choses dont on parle depuis la plus haute Antiquité.

L’ÉTRANGER

Eh bien, tous ces événements, sans parler de milliers d'autres plus étonnants encore, résultent tous du même état. Mais en raison du temps qui s'est longuement écoulé, le souvenir des uns s'est éteint, alors que les autres, disséminés, sont relatés séparément. [269e] Quant à l'état qui est la cause de tous ces événements, personne n'en a parlé. Or, c'est justement le temps d'en parler, car, une fois évoqué, il permettra de montrer ce qu'est le roi.

SOCRATE LE JEUNE

On ne peut mieux dire. Parle sans rien omettre.

L’ÉTRANGER

Alors écoute : cet univers-ci, tantôt le dieu lui-même l'accompagne dans sa marche et dans sa révolution tantôt au contraire le dieu l'abandonne, une fois que les révolutions ont atteint en durée la mesure qui lui convient ; alors de lui-même l'univers se remet à tourner dans le sens contraire, [269d] puisque c'est un vivant et que, dès le principe, il a reçu de celui qui l'a ordonné la réflexion en partage. Or, cette disposition à la marche rétrograde lui est nécessairement innée, pour la raison que voici.

SOCRATE LE JEUNE

Pour quelle raison, dis-moi ?

L’ÉTRANGER

Rester identique et conserver toujours une même et pareille manière d'être, cela ne convient qu'aux choses les plus divines de toutes, et ce qui est corporel n'est pas de cet ordre. Or, ce à quoi nous avons donné le nom de ciel et de monde, même s'il a été comblé de dons bienheureux par celui qui l'a engendré, ne laisse point, c'est évident, de participer au corps. [269e] Il s'ensuit qu'il ne saurait être totalement exempt de changement ; mais, dans la mesure du possible, il est animé d'une marche unique qui s'exerce dans le même lieu et qui reste identique. Voilà pourquoi il a reçu en partage le mouvement de révolution circulaire, qui imprime à son mouvement la plus infime variation possible. Or, s'imprimer toujours soi-même à soi-même une rotation, voilà qui n'est guère possible que pour ce qui entraîne tout ce qui se meut ; en outre, il n'est pas permis à cet être de se mouvoir tantôt dans un sens tantôt dans le sens contraire. Pour toutes ces raisons, il ne faut dire du monde ni qu'il est sans cesse l'auteur de sa propre rotation ni non plus que sans aucune interruption un dieu lui imprime une rotation qui s'inverse périodiquement, [270a] ni enfin que ce mouvement de rotation est dû à je ne sais quel couple de dieux dont les pensées s'opposeraient. Mais, comme je le disais tout à l'heure, l'unique solution qui reste, c'est que le monde est tantôt accompagné par une cause étrangère, un dieu, et qu'il acquiert alors à nouveau la vie en recevant de son démiurge une immortalité restaurée, et tantôt laissé à lui-même, lorsqu'il suit son impulsion propre et qu'il a été lâché au moment opportun afin de parcourir en sens inverse plusieurs milliers de révolutions, car, l'univers, dont la taille est énorme et qui est parfaitement bien équilibré, tourne sur un pied extrêmement petit.

SOCRATE LE JEUNE

[270b] En tout cas, tout ce que tu viens d'exposer semble tout à fait vraisemblable.

L’ÉTRANGER

Dès lors, en partant de ce qui vient d'être dit, essayons de concevoir l'état qui, avons-nous déclaré, est la cause de tous ces prodiges. Voici de fait en quoi consiste cet état.

SOCRATE LE JEUNE

En quoi ?

L’ÉTRANGER

En ce que la marche de l'univers est portée tantôt dans le sens actuel de sa rotation, tantôt dans le sens opposé.

SOCRATE LE JEUNE

Comment cela ?

L’ÉTRANGER

[270c] Il faut considérer que ce changement est, de tous les renversements qui affectent le ciel, le plus important et le plus complet.

SOCRATE LE JEUNE

Cela en a l'air du moins.

L’ÉTRANGER

Et il faut alors concevoir que c'est aussi à ce moment que se produisent, pour nous qui habitons au-dedans de cet univers, les changements les plus importants.

SOCRATE LE JEUNE

Voilà encore qui est vraisemblable.

L’ÉTRANGER

Ne savons-nous pas que les êtres vivants tolèrent difficilement la conjonction de changements importants, nombreux et de différentes sortes ?

SOCRATE LE JEUNE

Comment ne le saurions-nous pas ?

L’ÉTRANGER

Alors, il est nécessaire qu'à cette occasion les êtres vivants soient détruits en grand nombre, et en particulier qu'il ne subsiste qu'un petit nombre d'hommes. [270d] Et entre autres modifications nombreuses, surprenantes et étranges que subissent ces derniers, voici la plus importante, consécutive à la rétrogradation de l'univers quand survient le renversement contraire à celui qui règne maintenant.

SOCRATE LE JEUNE

Quelle est cette modification ?

L’ÉTRANGER

L'âge qu'avait chacun des vivants commença par s'arrêter chez tous, et tout ce qu'il y avait de mortel cessa d'évoluer dans la direction où la vieillesse est de plus en plus visible, puis, se remettant à évoluer, mais en sens contraire, ils devenaient plus jeunes et plus tendres. [270e] C'est-à-dire que les cheveux blancs de ceux qui étaient plus âgés se mirent à noircir et que, de même, les joues de ceux qui avaient de la barbe recommençaient à devenir lisses, pour ramener chacun à sa jeunesse ; quant à ceux qui en étaient à la puberté, leur corps devenant plus lisse et plus petit de jour en jour et de nuit en nuit, ils retournaient à l'état de nouveau-né, leur âme et leur corps se conformant à cet état. Après quoi, leur déclin allant dès lors jusqu'à son terme, ils disparaissaient complètement. Quant à ceux qui mouraient de mort violente en ces temps-là, [271a] leur cadavre subissait rapidement la même série de modifications et se désagrégeait rapidement, jusqu'à devenir invisible en quelques jours.

SOCRATE LE JEUNE

Mais, Étranger, de quelle façon naissaient alors les êtres vivants ? Et de quelle manière s'engendraient-ils les uns les autres ?

L’ÉTRANGER

Il est clair, Socrate, que l'engendrement mutuel n'était pas inscrit dans la nature d'alors ; mais cette race née de la terre, dont on a dit qu'elle exista dans le passé, c'était celle qui en ce temps-là ressortait du sein de la terre ; une race dont le souvenir a été conservé par les premiers de nos ancêtres, ceux qui étaient proches du temps qui suivit immédiatement la fin de la révolution précédente, [271b] et qui naissaient au commencement de la révolution actuelle. Car ce sont eux qui furent pour nous les hérauts de ces récits qui sont aujourd'hui à tort l'objet de l'incrédulité du grand nombre. Je pense en effet qu'il faut réfléchir à ce qui découle de ce que nous venons de dire. Étant donné que les vieillards redevenaient des enfants, il s'ensuivait en effet que, à leur tour, ceux qui étaient morts et qui gisaient dans la terre y étaient reconstitués et remontaient à la vie, entraînés qu'ils étaient par ce renversement de la génération qui, ayant subi une volte-face, se faisait dans le sens contraire ; et, puisque c'est de cette façon qu'ils naissaient nécessairement du sein de la terre, [271e] c'est de là que vint leur nom et leur histoire, pour tous ceux auxquels un dieu n'a pas accordé une autre destinée.

SOCRATE LE JEUNE

Eh oui, ma parole, voilà bien ce qui découle de ce qui a été dit auparavant. Mais le genre de vie dont tu dis qu'il était en vigueur sous le règne de Kronos, est-il situé à la suite des premiers renversements ou bien à la suite des derniers ? Car il est bien clair que le changement qui affecte les astres et le soleil vient à se produire lors de chacun des deux renversements.

L’ÉTRANGER

Tu as bien suivi le fil de mon exposé. [271d] Mais, pour répondre à ta question relative à la situation où toutes choses naissaient spontanément pour les hommes, celle-ci n'a aucun rapport avec la marche actuellement instaurée, mais elle appartient elle aussi à la marche antérieure. Alors en effet, la révolution du ciel elle-même, c'était le dieu qui commençait à la commander, et à en prendre soin, ayant distribué partout, comme c'est le cas aujourd'hui par endroits, les parties du monde entre des dieux qui les gouvernaient. Et c'est tout naturellement que des démons avaient réparti les vivants par race et par troupeau, comme s'ils les paissaient. Chacun se suffisait à lui-même afin de pourvoir à tous les besoins de ceux qu'il paissait, si bien qu'il n'y avait pas d'espèce sauvage et qu'une espèce n'en mangeait pas une autre ; [271e] il n'y avait ni guerre ni dissension d'aucune sorte. Quant à toutes les autres conséquences, il y en aurait des milliers à mentionner si on voulait énumérer tous les bienfaits qui découlaient d'une telle organisation des choses. Mais pour revenir à ce qu'on raconte des hommes, voilà comment on peut expliquer que tout ce dont ils avaient besoin pour vivre leur venait spontanément. C'est un dieu qui les paissait et qui les dirigeait en personne, de la même façon qu'aujourd'hui les hommes, qui sont des êtres vivants d'une espèce différente et plus divine, paissent les autres espèces animales qui leur sont inférieures. Comme ce dieu les paissait, les hommes n'avaient pas de constitution politique et ne possédaient ni femmes ni enfants. [272a] Car, du sein de la terre, ils remontaient tous à la vie, sans garder aucun souvenir de ce qui s'était passé avant. Voilà pour tout ce qu'ils n'avaient pas ; en revanche ils avaient à profusion les fruits que donnaient les arbres et une très abondante végétation, des fruits qui poussaient sans qu'on ait besoin de les cultiver, car la terre les produisait spontanément. Sans vêtement, sans lit, ils vivaient le plus souvent en plein air, car la façon dont les saisons étaient tempérées les préservait d'en souffrir, et leur couche était molle, car elle était faite de l'herbe que la terre produisait à profusion.

[272b] Tu viens donc d'apprendre, Socrate, le genre de vie que l'on menait sous Kronos. Quant à celui que Zeus, dit-on, dirige, celui de maintenant, tu le connais bien car tu en as l'expérience. Or, de ces deux genres de vie serais-tu de taille et d'humeur à décider lequel est le plus heureux ?

SOCRATE LE JEUNE

Pas le moins du monde.

L’ÉTRANGER

Acceptes-tu donc, alors, que ce soit moi qui d'une manière ou d'une autre en décide pour toi ?

SOCRATE LE JEUNE

Bien volontiers.

L’ÉTRANGER

Eh bien, suppose que les nourrissons de Kronos, ainsi pourvus d'un loisir abondant et de la faculté de lier conversation non seulement avec les êtres humains, mais aussi avec les animaux, [272c] mettaient à profit tous ces avantages pour pratiquer la philosophie, en parlant avec les bêtes et en discutant les uns avec les autres, suppose qu'ils s'informaient auprès de toutes ces bêtes pour voir si l'une d'elles, douée d'un pouvoir particulier, aurait une perception supérieure à celle des autres afin d'enrichir en quelque point la réflexion ; dans un pareil cas, il est aisé de déclarer que ceux d'alors surpassaient mille fois ceux de maintenant pour ce qui est du bonheur. Suppose au contraire que, occupés à se gorger de nourriture et de boisson, ils se racontaient les uns aux autres et aux bêtes des mythes du genre de ceux qu'aujourd'hui on raconte notamment à leur sujet, il est encore très facile, [272d] s'il me faut là-dessus faire connaître mon opinion, de répondre à la question posée.

Quoi qu'il en soit, laissons de côté ces considérations, jusqu'à ce que se présente devant nous un informateur qui soit en mesure de nous dire quelle sorte de désirs les gens de ce temps-là avaient pour ce qui touche aux sciences et aux raisonnements.

Mais quel fut notre but en tirant du sommeil ce mythe, il faut le dire, afin, après cela, de donner un terme à ce qui suit.

Car une fois que fut passé le temps que devaient durer toutes ces choses et que fut arrivée l'heure d'un changement, et en particulier lorsque tout le capital des naissances issues de la terre fut épuisé, [272e] lorsque chaque âme se fut acquittée de toutes ses générations, après être tombée dans la terre en autant de semences qu'il le lui était prescrit, alors celui qui est le pilote de l'univers, après avoir pour ainsi dire lâché la barre du gouvernail, se retira à son poste d'observation et une inclination prédestinée et native remit le monde en marche dans le sens inverse. Alors donc, tous les dieux, qui région par région partageaient le pouvoir avec la divinité la plus importante, comprirent ce qui désormais se produisait, et ils abandonnèrent à leur tour les parties du monde où leurs soins étaient prodigués. [273a] Quant au monde, le fait qu'il se retournait et que, dans son nouvel élan, il mettait en opposition les élans contraires du mouvement qui commençait et de celui qui s'achevait, produisit en son sein même une énorme secousse provoquant, cette fois encore, une nouvelle destruction de toutes sortes d'êtres vivants.

Après quoi, au bout d'un laps de temps suffisant, lorsqu'il eut calmé ces troubles et ce tumulte et lorsqu'il eut apaisé les secousses qui l'agitaient, le monde poursuivit d'un mouvement ordonné sa course habituelle, celle qui était la sienne, prenant soin et gouvernant lui-même les choses qui se trouvent en lui et sur lui-même, [273b] parce qu'il se souvenait, dans la mesure où il le pouvait, de l'enseignement qu'il avait reçu de celui qui était son démiurge et son père. Au début donc, il s'y conformait avec assez d'exactitude, à la fin d'une façon plus confuse. La cause en était le caractère corporel de sa composition, indissociablement attaché à son antique nature, car celle-ci participait d'un grand désordre avant de venir à l'ordre actuel. C'est en effet de celui qui le constitua qu'il a reçu tout ce qu'il a de beau ; [273c] tandis que toutes les choses mauvaises et injustes qui dans le ciel proviennent de sa disposition antérieure, c'est de là qu'il les tient lui-même et qu'il les produit dans les vivants. Cela étant, aussi longtemps que c'est avec le concours de son pilote qu'il assurait le développement des vivants en lui-même, il y engendrait très peu de maux et beaucoup de biens. En revanche, une fois séparé du démiurge, pendant le temps qui suit immédiatement cet abandon, il continue de mener toutes choses au mieux, mais plus le temps passe et plus l'oubli s'installe en lui, plus s'affirme l'absence d'harmonie qui marquait sa condition primitive et qui, [273d] à la fin, se remet à refleurir ; et comme au mélange qui le constitue, il mêle des biens infimes à côté d'une grande abondance de maux, il court le risque de se détruire lui-même et de détruire les choses qui sont en lui. Voilà donc bien pour quelle raison le dieu qui l'avait déjà ordonné, constatant qu'il était dans une situation inextricable et craignant que, ballotté et disloqué par la tempête il ne sombre dans l'océan indéterminé de la dissimilitude, revient s'asseoir près du gouvernail, remet d'aplomb ce qui a souffert et ce qui a été détruit au cours de la révolution antérieure du monde livré à lui-même [273e] et il ordonne le monde pour le rendre immortel et le soustraire au vieillissement.

Nous n'en dirons pas plus sur cette question. Mais, si nous rattachons cette démonstration '" au précédent exposé, c'en sera assez pour montrer ce qu'il en est du roi. En effet, quand le monde se remit à tourner dans le sens qui conduit au mode de génération actuel, alors de nouveau le cours des âges s'arrêta et tout repartit à l'envers pour les gens d'alors. En effet, ceux des vivants qui en raison de leur extrême petitesse allaient disparaître se mirent à grandir, alors que les corps qui venaient de naître de la terre avec des cheveux blancs connaissaient de nouveau la mort et rentraient dans la terre. [274a] Et tout le reste changeait, imitant et suivant la condition de l'univers ; en particulier, engendrer, naître et nourrir, tout offrait nécessairement une imitation du cours de toutes choses. Car il n'était plus possible que le vivant naisse dans la terre sous l'action conjointe d'autres êtres, mais, tout comme il était prescrit au monde d'être le maître de sa propre marche, il fut aussi prescrit à ses parties, dans la mesure où la chose leur serait possible, d'engendrer par elles-mêmes, de faire naître et de nourrir au moyen d'une semblable conduite.

[274b] Or ce en vue de quoi tout ce récit fut entrepris, nous y voici maintenant parvenu. En effet, en ce qui concerne les bêtes, il y aurait à raconter beaucoup de choses et qui prendraient beaucoup de temps, pour dire à partir de quelles conditions et pour quelles raisons chacune des espèces a changé. Mais en ce qui concerne les hommes, l'exposé sera plus bref et plus à propos. En effet, étant donné qu'ils ne pouvaient plus compter sur la providence du démon qui nous possédait et qui nous paissait, et comme toutes les bêtes qui présentaient une nature agressive devenaient sauvages, les hommes, qui par eux-mêmes étaient faibles et qui se trouvaient dépourvus de protection, étaient mis en pièces par les bêtes sauvages. [274e] En outre, dans les premiers temps, ils restaient dépourvus d'industrie et de technique, du fait que leur alimentation n'était désormais plus assurée spontanément, ils ne savaient absolument pas comment se la procurer, parce que aucune nécessité ne les y avait contraints jusqu'alors. Pour toutes ces raisons, ils étaient plongés dans de grandes difficultés.

Voilà pourquoi ces dons, qu'une tradition antique évoque, ont été faits par les dieux, qui y joignirent l'enseignement et l'apprentissage indispensables : le feu par Prométhée, les arts par Héphaistos et par celle qui est son associée en ce domaine, les semences enfin et les plantes par d'autres divinités. [274d] Et tout ce sur quoi la vie humaine put compter en matière d'équipement résulta de ces techniques, lorsque les hommes furent privés de la providence qu'assuraient les dieux, comme je viens de le dire. C'est pour cette raison que les hommes durent apprendre à se conduire par eux-mêmes et à prendre soin d'eux-mêmes, tout comme le monde en son entier. C'est en imitant ce monde et en le suivant pour toujours que maintenant nous vivons et croissons de cette façon, alors que jadis nous vivions d'une autre façon.

[274e] Sur ce, mettons un point final à notre mythe et faisons en sorte de l'utiliser pour voir l'étendue de la faute que nous avons commise en définissant l'homme royal et politique dans notre précédent argument.