William Paley

 

 

 

William Paley,

The Principles of Moral and Political Philosophy,

Boston, Richardson & Lord, 1825, p. 76-78.

Traduction Enrique Utria.

Du droit douteux de manger chair

Par les Droits Généraux du genre humain, j’entends les droits qui appartiennent en commun aux espèces, le stock originel, comme je le pourrais dire, qu’ils se sont depuis distribués entre eux. Ce sont

I. un droit aux fruits ou aux végétaux 
que produit la terre.

Les parties insensibles de la création sont incapables de blessures ; et il est futile de s’enquérir d’un droit, là où l’utilisation peut avoir lieu sans blesser. Mais il vaut peut-être la peine d’observer, en vertu d’une inférence qui apparaîtra plus loin, que, puisque Dieu nous a créé avec un besoin et un désir de nourriture, et qu’il nous a fourni des choses qui conviennent par leur nature à notre sustentation et satisfaction, nous pouvons présumer à juste titre qu’il avait l’intention que nous les appliquions à cette fin.

II. Un droit à la chair des animaux.

C'est une prétention très différente de la précédente. Quelqu’excuse semble nécessaire pour la douleur et la perte que nous occasionnons aux brutes, en restreignant leur liberté, en mutilant leur corps et en mettant fin à leur vie, chose que nous supposons être tout ce qu'ils ont, pour notre plaisir ou notre convenance.

Les raisons invoquées pour justifier cette pratique, sont les suivantes : que les diverses espèces de brutes, étant créées pour être les proies les unes des autres, permettent une certaine analogie pour montrer que l’espèce humaine était destinée à se nourrir d’elles ; que, si elles étaient laissées à elles-mêmes, elles envahiraient la terre, et excluraient son occupation par le genre humain ; que nous nous acquittons de ce que nous leur faisons souffrir dans nos mains, par notre soin et notre protection.

De ces raisons, j’observerai que l’analogie en question est extrêmement boiteuse ; puisqu’il n’est pas dans le pouvoir des brutes de se maintenir en vie par quelqu’autre moyen, et puisque nous avons ce pouvoir ; car toute l’espèce humaine pourrait subsister entièrement de fruits, de légumineuses, d’herbes, et de racines, comme de nombreuses tribus hindous le font à vrai dire. Les deux autres raisons sont peut-être valides, en ce qui les concerne ; car il ne fait aucun doute que, si l’homme s’était entièrement sustenté par une nourriture végétale, une grande partie de ces animaux qui meurent pour fournir sa table, n’auraient jamais vécus : mais ils ne justifient en aucune façon notre droit sur la vie des brutes avec l'ampleur où (in the extent to) nous l’exerçons. Quel danger y a-t-il, par exemple, à ce que les poissons interfèrent avec nous lorsqu’ils se meuvent dans leur élément ? Ou en quoi contribuons-nous à leur maintien ou leur préservation ?

Il me semble qu’il serait difficile de défendre ce droit par un argument que la lumière et l’ordre de la nature nous fournissent ; et que nous en soyons redevables à la permission attestée dans les Ecritures, Gén. IX, 1, 2, 3 : « Et Dieu bénit Noé et ses fils, et leur dit, Fructifiez et multipliez, et remplissez la terre : et la crainte qu'on aura de vous, et la terreur qu'on aura de vous, seront sur toute bête de la terre et sur tout oiseau du ciel, et parmi tout ce qui se meut sur la terre, et sur tous les poissons de la mer ; entre vos mains, ils sont livrés. Tout ce qui se meut et qui a vie sera votre nourriture ; comme l'herbe verte, je vous ai donné toutes ces choses ». A Adam et sa postérité ont été accordé, lors de la création, « toute herbe verte comme nourriture », et rien de plus. Dans la dernière partie de ce passage, l’ancien octroi est à nouveau cité et étendu à la chair des animaux : « comme l'herbe verte, je vous ai donné toutes ces choses ». Mais ceci n’avait pas lieu avant le déluge ; les habitants du monde antédiluvien n’avaient donc aucunement cette permission, [en tout cas] pas que nous sachions. Qu’ils se soient de fait retenus de la chair des animaux est une autre question. Abel, à ce que nous lisons, était berger ; et il est difficile de dire à quelle fin il gardait ses moutons, sinon pour la nourriture (à moins que ce ne fût pour les sacrifices). Cependant, certaines des sectes les plus strictes parmi les sectes antédiluviennes ne pouvaient-elles pas se montrer aussi scrupuleuses ? Noah et sa famille ne pouvaient-ils pas correspondre à cette description ? Car il n’est pas probable que Dieu publie une permission pour autoriser une pratique qui n’avait jamais été discutée.

Il est certain que la cruauté gratuite, et, pire encore, la cruauté délibérée, envers les bêtes, est mauvaise, dans la mesure où elle ne se produit avec aucune de ces raisons.

By the General Rights of Mankind, I mean the rights which belong to the species collectively, the original stock, as I may say, which they have since distributed among themselves. These are,

I. A right to the fruits or vegetable
produce of the earth.

The insensible parts of the creation are incapable of injury; and it is nugatory to inquire into the right, where the use can be attended with no injury. But it may be worth observing, for the sake of an inference which will appear below, that, as God has created us with a want and desire of food, and provided things suited by their nature to sustain and satisfy us, we may fairly presume, that he intended we should apply them to that purpose.

II. A right to the flesh of animals.

This is a very different claim from the former. Some excuse seems necessary for the pain and loss which we occasion to brutes, by restraining them of their liberty, mutilating their bodies, and at last putting an end to their lives, which we suppose to be their all, for our pleasure or conveniency.

The reasons alleged in vindication of this practice, are the following: that the several species of brutes being created to prey upon one another, affords a kind of analogy to prove that the human species were intended to feed upon them; that, if let alone, they would overrun the earth, and exclude mankind from the occupation of it; that they are requited for what they suffer at our hands, by our care and protection.

Upon which reasons I would observe, that the analogy contended for is extremely lame; since brutes have no power to support life by any other means, and since we have; for the whole human species might subsist entirely upon fruit, pulse, herbs, and roots, as many tribes of Hindoos actually do. The two other reasons may be valid reasons, as far as they go; for, no doubt, if man had been supported entirely by vegetable food, a great part of those animals which die to furnish his table, would never have lived: but they by no means justify our right over the lives of brutes to the extent in which we exercise it. What danger is there, for instance, of fish interfering with us, in the use of their element? Or what do we contribute to their support or preservation?

It seems to me, that it would be difficult to defend this right by any arguments which the light and order of nature afford; and that we are beholden for it to the permission recorded in Scripture, Gen. ix. 1,2,3: "And God blessed Noah and his sons, and said unto them, Be fruitful and multiply, and replenish the earth: and the fear of you, and the dread of you, shall be upon every beast of the earth, and upon every fowl of the air, and upon all that moveth upon the earth, and upon all the fishes of the sea; into your hand are they delivered: Every moving think shall be meat for you; even as the green herb, have I given you all things." To Adam and his posterity had been granted, at the creation, "every green herb for meat," and nothing more. In the last clause of the passage now produced, the old grant is recited, and extended to the flesh of animals: "even as the green herb, have I give you all things." But this was not till after the flood; the inhabitants of the antediluvian world had therefore no such permission, that we know of. Whether they actually refrained from the flesh of animals, is another question. Abel, we read, was a keeper of sheep; and for what purpose he kept them, but for food, is difficult to say (unless it were for sacrifices). Might not, however, some of the stricter sects among the antediluvians be scrupulous as to this point? And might not Noah and his family be of this description? For it is not probable that God would publish a permission, to authorize a practice which had never been disputed.

Wanton, and, what is worse, studied cruelty to brutes, is certainly wrong, as coming within none of these reasons.