J. Howard Moore,

The New Ethics,

Londres, 1907.

 

Repris dans Kerry Walters et Lisa Portmess (éd.), Ethical Vegetarianism : From Pythagoras to Peter Singer, Albany, State University of New York Press, 1999, p. 127-132.

Traduit par Enrique Utria

 

Nouvelle éthique

Les habitants de la terre sont liés par les liens et les obligations d’une parenté commune. L'homme n’est qu’un être parmi une série d’êtres sensibles, différant par degré, non par genre, des êtres sous, sur et autour de lui. La Grande Loi – AGIS ENVERS LES AUTRES COMME TU AGIRAIS ENVERS UNE PARTIE DE TOI – n’est pas une loi s’appliquant aux seuls aryens, mais à tous les hommes ; et pas aux seuls hommes, mais à tous les êtres. Il existe la même obligation d’agir envers un allemand, un japonais, ou un philippin, comme on agit envers une partie de notre propre organisme, qu’envers les américains ou les anglais ; et, en outre, il existe la même raison d’agir de cette manière envers les chevaux, les chats, les chiens, les oiseaux, les poissons, les insectes, qu’envers les hommes. Limiter à l’espèce humaine l’application de cette injonction [les] incluant-tous, est une pratique qui n’est dictée que par l’égoïsme et le provincialisme humain. Cette limitation est faite, non parce que nous sommes logiques, mais parce que nous sommes petits.

A quoi reviendrait, pour les fourmis ou les éléphants, ou quelqu’autre groupe habitant un monde, le fait de se couper éthiquement des autres, observant entre eux, s'agissant de leur conduite, LA GRANDE LOI touchant ce qu’il est approprié de faire socialement, mais ignorant celle-ci dans leur conduite avec les autres, et agissant envers tous les autres, bien que ceux-ci leurs soient semblables dans tous les aspects essentiels, comme s’ils étaient dépourvus de tous les droits habituels et de toutes les sensibilités d’une conscience ordinaire ? Est-il probable que les hommes éprouvent quelque difficulté à voir clairement le caractère intenable d’une telle attitude ? Il serait cependant tout aussi logique pour n’importe quel autre groupe d’animaux d’agir de cette façon, que pour les hommes. Les philosophies de ce monde ont toutes été forgées par et du point de vue d’une seule espèce, et elles sont toujours manoeuvrées et maintenues dans les intérêts de cette espèce. Quels insectes ! L’ampleur de la sympathie et de la compréhension humaines est aussi étendue que celle des sauterelles d'amérique dont la vue ne dépasse guère la haie du pré, dans lequel elles chantent leur vie durant.

La pratique et la compréhension morales sont partout tribales et antagonistes. Elles ont été héritées, et non pas raisonnées. Elles nous ont été données, nous ne les avons point générées. Elles sont arrivées par suite de l'état belliqueux des choses au sein duquel et en conformité avec lequel la vie s’est développée sur terre.

La conception idéale de l’obligation sociale est plus large que la famille et que le cercle des amis, plus large que la ville et que l’état qui nous voit naître et grandir, plus large que l’espèce, plus large même que le monde particulier dont nous sommes les locataires. Il n’est d’étranger nulle part, pas même en enfer, pour l’être aussi grand moralement que ce qu'il doit être – il n’est que des frères. Le cœur universel se meut, en tendresse, au-delà de toutes les frontières de forme, de couleur, de structure, et d’accident de naissance – partout où frémi une âme vivante. La Grande Loi veut la guérison et la consolation de tous. L’obligation morale est aussi étendue que le pouvoir de sentir. (...)

L’homme s’est lui-même défini comme le « parangon de la création ».

Il y a là surestimation. L’homme n’est pas plus un animal modèle que l’univers n’est un univers modèle. L’un et l’autre sont de fieffés anti-modèles, comme toute personne dont les capacités de compréhension excédent celles d’un nourrisson doit le savoir.

L’homme est un bigot, et dans la conception qu’il a de lui-même et dans l’estimation de l’importance comparée qu’il a de lui-même et des autres, il est fidèle à la faiblesse de son espèce. Mais, en omettant entièrement la question de savoir si l’homme est ou non un chef-d’œuvre de l’univers, nous pouvons affirmer avec une parfaite confiance, et sans craindre la contradiction, que si l’homme est le parangon de l’univers, l’univers a tout lieu de pleurer.

Les traitements que l’homme réserve à ses semblables humains, et en particulier aux formes de vie qui diffèrent anatomiquement de lui, sont tels qu’ils font de lui tout sauf un animal idéal – et ce dans tous les domaines, excepté la psychologie des  brigands.

Les êtres humains ont été suffisamment entreprenant et suffisamment dévoués les uns envers les autres pour évoluer en maître de la terre ; mais plutôt que de reconnaître leurs responsabilités et de se convertir en précepteurs des éthnies vaincues, comme une éthnie idéale l’aurait fait, ils sont devenus les bouchers de l’univers. Plutôt que de devenir les modèles et les instituteurs du monde dans lequel ils s’étaient démarqués, de s’efforcer à améliorer les natures défectueuses, et de guider les pas capricieux de ceux sans lesquels ils ne se seraient pas distingués, ils sont devenus des colosses pédants, s’autoproclamant  favoris et êtres spéciaux de la création, et s’enseignant les uns aux autres que les autres éthnies sont de simples choses [destinées] à leur servir de pâture et de passe-temps. Ils prêchent que c’est là la relation idéale d’êtres associés pour que chacun agisse envers les autres de la façon ont il voudrait lui-même que les autres agissent envers lui. Cet idéal de rectitude sociale fut découvert il y a deux ou trois mille ans, et fut enseigné depuis par les sages de l’espèce. Mais les êtres humains limitent hypocritement l’application de cette règle aux membres de leur propre espèce. Aucun être non humain n’est assez innocent, ou suffisamment sensible, intelligent, ou beau pour être exempt des maux les plus épouvantables, si par ces maux le confort, la curiosité et le passe-temps humains sont satisfaits d'une quelconque façon. Notre propre bonheur, et celui de notre espèce, sont supposés être si prééminents que nous sacrifions sans hésitation les intérêts les plus sacrés des autres, pour que les nôtres puissent être soigneusement satisfaits. Même pour une dent ou une plume dont se couvre la vanité humaine, des forêts sont réduites au silence et des communautés couchées avec les morts et les mourants. Les belles [créatures] qui remplissent les bosquets de chanson et de juvénilité sont contraintes à se vautrer  sans vie et tout ébouriffées sur les têtes d’imbéciles inconscients. (...)

Voyez les scènes qu’il se peut rencontrer dans nos grandes villes ! Elles suffisent à horrifier tout être sensible aux souffrances des autres, et ne parviennent pas au cinquième de ce que seraient des actes civilisés. Une armée de bouchers, le sang jusqu’au cheville, enfonçant de grands couteaux dans des êtres vivants se tordant et hurlant de douleur ; un porc impuissant se balançant sur ses croupes, le sang jaillissant de ses jugulaires coupées nettes ; un bœuf sans méfiance, aux yeux confiants, regardant le merlin mortifère et, le moment d’après, étendu, tremblant sous un implacable bruit sourd ; une atmosphère de baratte perpétuelle mêlée aux gémissement et hurlements des agonisants ; des rues grouillantes de funérailles sans processions ; des corps morts suspendus à des crochets ou étendus sur les étales ; des hommes et des femmes allant prier, prêcher, et s’asseoir deux ou trois fois par jour pour se précipiter sur les restes non enterrés d'une pauvre créature abattue pour eux par les mains endurcies de coupeurs-de-george salariés – telle est la vue sur nos rues et sur tous nos parcs à bestiaux, et tels sont les crimes infligés jour après jour par des cannibales chrétiens sur les bêtes sans défense de ce monde.

Ah ce meurtre, ce meurtre, ce meurtre – cette boucherie mondiale, terrible, incessante, interminable ! Quel monde ! « Idéal » ? – et « parfait » ? – et « plein de sagesse » ? Certainement – pour les tigres, les bandits de grand chemin, et les gens dormant à poings fermés ; mais pour tous les autres, il est simplement monstrueux.

Nous ne sommes rien d’autres qu’une masse d’imposteurs féroces – voilà le fin mot de l’histoire – menant des vies qui ne parviennent, tout du long durant, qu’au dixième ou au tiers de ce que serait la décence envers nos semblables humains, et des vies presqu’absolument sauvage pour ce qui est de notre traitement des non-hommes. Un être capable de regarder sans pleurer les faits déchirants qui emplissent les villes de notre prétendue civilisation, a une psychologie assez granitique pour contempler avec indifférence un parterre d’âmes rôtissant en enfer.

Les parcs à bestiaux de Chicago pulvérisent à eux seuls, annuellement, 4.500.000 moutons, 5.500.000 bovins, 450.000 veaux, et 10.000.000 de porcs – soit 20.500.000 êtres vivants par an, ou une moyenne de plus de 100 bêtes par minute, chaque jour ouvrable de dix heures !   

Quelle usine ! Pensez-y ! Vous qui avez beaucoup de mal à réaliser cela distinctement, et qui restez sans expression, sans vous sentir concernés devant des horreurs qui devraient faire ramper vos viscères, et décoler les pavés qui dorment à vos pieds, souvenez-vous juste, lorsque vous vaquez à vos devoirs quotidiens, où que vous soyez et quoi que vous puissiez être en train de faire, qu’à chaque cliquetis d’horloge, 6.500 êtres innocents, intelligents et hautement sensibles ont eu la tête fracassée par une hache, et la gorge tranchée, ont lutté, frémi, et ont vu le monde disparaître de leurs yeux, ici, dans ces charniers impies. Et souvenez-vous, aussi, que ce carnage épouvantable continue, encore et encore, jour après jour, mois après mois, année après année.

« À quoi bon » ? Eh bien, bénissez votre vie! Afin que les hommes et les femmes puissent prier la miséricorde, prêcher la Règle d'Or et déplorer l'injustice, le ventre plein de sang !

J'aimerais encore respecter la religion de mon enfance, mais lorsque je vois qu'elle  regarde avec indifférence et même légèreté une hémorragie aussi étendue que les continents et aussi horrible que les « sauvages » – non seulement fermer les yeux, mais aussi excuser tout cela, et même rabaisser les quelques âmes émancipées qui tentent d’y mettre fin – je ne puis que ressentir l’absence de prétention juste qu'aurait une telle foi, à l’allégeance des hommes de réflexion. « N’avez-vous pas honte », clamait le « païen » Plutarque au début de son [S’il est loisible de manger chair], « de mêler le sang et le meurtre avec les fruits bienveillants de la nature ? Vous appelez bêtes sauvages et féroces les autres espèces carnivores – les lions, les tigres et les serpents – et cependant vous ne leur cédez en rien pour aucune espèce de barbarie ». Les hommes et les femmes portant leurs parts de responsabilité dans les crimes communs de notre civilisation aurient mieux à faire en jugulant leurs dons aux missionnaires et en commençant par [se civiliser] eux-mêmes ; car ils commettent, chaque jour de leur vie, de plus grands crimes, et en plus grand nombre, que les prétendus sauvages qu’ils essaient de « convertir » même en rêve. Les Dieux s'apitoie[ro]nt sur ce monde si nous devons renouveler sans cesse ce que nous avons fait par le passé – un globe grouillant de félons aux lèvres vertueuses !

On a prétendu que l’homme ne pouvait pas être un humanitarien cohérent, parce qu’il lui est nécessaire d’exploiter les autres de diverses façons pour pourvoir à ses propres besoins et désirs.

C’est l’objection la plus commune... C’est la plus commune parce que la plus égoïste. L’égoïsme est si proéminent dans la psychologie humaine et dans les philosophies découlant de cette dernière, que les objections les plus naturelles et convaincantes à n’importe quelle proposition sont celles provoquées et appelées par les instincts égoïstes. La question se présentant à l’esprit d’un homme ordinaire lorsqu’un changement dans les arrangements du monde lui est suggéré, n’est pas de savoir quel sera l’effet du changement sur l’univers, mais quel sera son effet sur lui – sur ce remarquable atome de l’univers si zélément cloisonné de tout ce qui n’est pas lui. L’homme a été si longtemps accoutumé au privilège incontesté de la spoliation, et s’est si longtemps et si brillamment imaginé être le tout de ce qui est porté par le monde, qu’une proposition niant ce privilège, quelqu’équitable qu’elle fût d’un point de vue impartial, est aussitôt classée comme l’allégation d’un zanni, et est supposée être éliminée de façon concluante lorsqu’on montre que cette proposition est capable d’interférer avec les commodités ou les plaisirs humains.

The inhabitants of the earth are bound to each other by the ties and obligations of a common kinship. Man is simply one of a series of sentients, differing in degree, but not in kind, from the beings below, above, and around him. The Great Law – ACT TOWARD OTHERS AS YOU WOULD ACT TOWARD A PART OF YOUR OWN SELF – is a law not applicable to Aryans only, but to all men; and not to men only, but to all beings. There is the same obligation to act toward a German, a Japanese, or a Filipino, as one acts toward a part of his own organism, as there is to act in this way toward Americans or Englishmen; and, furthermore, there is the same reason for acting in this manner toward horses, cats, dogs, birds, fishes, and insects, as there is in acting so toward men. Restricting the application of this all-inclusive injunction to the human species, is a practice dictated solely by human selfishness and provincialism. The restriction is made, not because we are logical, but because we are diminutive.

How would it be for ants or elephants, or some other distinct group of the inhabitants of a world, to cut themselves off ethically from the rest, observing in their conduct toward each other THE GREAT LAW of social propriety, but ignoring this law in their conduct toward others, and acting toward all others, although these others were like them in every essential respect, as if they were without any of the ordinary rights and sensibilities of a common consciousness? Is it probable that men would have any difficulty in seeing clearly the untenableness of such an attitude? And yet it would be just as logical for any other group of animals to do this as it is for men to do it. The philosophies of this world have all been framed by, and from the standpoint of, a single species, and they are still managed and maintained in the interests of this species. What insects! The breadth of human sympathy and understanding is the catholicity of katydids who never see beyond the hedgerows that bound the little meadow in which they sing their lives away.

Moral practice and understanding are everywhere tribal and antagonistic. They have been inherited, not reasoned out. They have been handed along to us, not generated by us. They have come about as a result of the militant condition of things in the midst of which and in conformity with which life has been developed on the earth.

The ideal conception of social obligation is bigger than family and friends, bigger than the city and state in which one happens to be born and raised, bigger than species, bigger even than the particular world of which one is a tenant. There are no aliens anywhere, not even in hell, to the being who is as big morally as he ought to be — only brothers. The universal heart goes out in tenderness beyond all boundaries of form and color and architecture and accident of birth—into every place where quivers a living soul. The Great Law is for the healing and consolation of all. Moral obligation is as extensive as the power to feel. […]

Man has defined himself as the "paragon of creation."

This is an overestimate. Man is no more a model animal than the universe is a model universe. They are both of them very immodel, as every one must know who has powers of understanding exceeding those of the infant.

Man is a bigot, and in his conception of himself and in his estimate of the relative importance of himself and others, he is true to the weaknesses of his kind. But, omitting altogether the question of whether man is the masterpiece of the universe or not, we may affirm with perfect confidence, and without fear of contradiction, that if man is the paragon of the universe, the universe has no cause for dry eyes.

Man's treatment of his fellow-men, and especially his conduct toward the forms of life differing anatomically from him, are such as to stamp him as being anything but an ideal animal—anywhere outside the psychologies of brigands, at any rate.

Human beings have been sufficiently enterprising and sufficiently devoted to each other to evolve into the master of the earth; but instead of recognizing their responsibilities and converting themselves into preceptors for the vanquished races, as an ideal race would have done, they have become the butchers of the universe. Instead of becoming the models and schoolmasters of the world in which they have outstripped, and striving to improve the faulty natures, and guide the wayward feet of those by means of whom they have been hoisted into distinction, they have become colossal pedants, proclaiming themselves the pets and specials of creation, and teaching each other that other races are mere things to furnish pasture and pastime for them. They preach that it is the ideal relation of associated beings for each to act toward the others in the way in which he himself would like to have others act toward him. This ideal of social rectitude was discovered two or three thousand years ago, and has been taught by the sages of the species ever since. But in the application of this rule human beings restrict it hypocritically to the members of their own species. No nonhuman is innocent enough, or is sufficiently sensitive, intelligent, or beautiful, to be exempt from the most frightful wrongs, if by these wrongs human comfort, curiosity, or pastime are in any way whatever catered to. Our own happiness, and that of our species, are assumed to be so pre-eminent that we sacrifice without hesitancy the most sacred interests of others, in order that our own may be carefully provided for. Even for a tooth or a feather to wear on human vanity, forests are silenced and communities littered with the dead and dying. Beautiful beings that fill the groves with song and juvenility are compelled to sprawl lifeless and dishevelled on the heads of unconscionable sillies. […]

Look at the scenes to be met with in our great cities! They are sufficient to horrify any being susceptible enough to the sufferings of others to be rated as one-fifth civilized. An army of butchers standing in blood ankle-deep and plunging great knives into writhing, shrieking living beings; helpless swine swinging by their hinders with their blood gushing from their slashed jugulars; unsuspecting oxen with trustful eyes looking up at the deadly pole-ax, and a moment later lying aquiver under its relentless thud; an atmosphere in perpetual churn with the groans and screams of the dying; streets thronged with unprocessioned funerals; dead bodies dangling from sale hooks or sprawling on chopping blocks; men and women going about praying and preaching, and sitting down two or three times a day and pouncing on the uncoffined remains of some poor creature cut down for them by the callous hands of hired cutthroats—such are the sights in all our streets and stockyards, and such are the crimes inflicted day after day by Christian cannibals on the defenseless dumb ones of this world.

Oh this killing, killing, killing—this awful, never-stopping, never-ending, worldwide butchery! What a world! "Ideal"?—and "perfect"?—and "all-wise"? Certainly—to tigers, and highwaymen, and people who are sound asleep; but to everybody else it is simply monstrous.

We are nothing but a lot of ferocious humbugs—that is the long and the short of it—leading lives all the way from a tenth to two-thirds decent in our conduct towards our fellow men, but almost absolutely savage in our treatment of not-men. A being who can look without weeping on the heart-rending facts that fill the cities of our so-called civilization has a psychology granitic enough to gaze unmoved on a hellful of roasting souls.

The Chicago stockyards alone grind up annually 4,500,000 sheep, 5,500,000 cattle, 450,000 calves, and 10,000,000 hogs — 20,500,000 living beings a year, or an average of over 100 a minute during every ten-hour working day!

What a mill! Just think of it! You who find it hard to realize vividly, and who stand blank and unconcerned in the presence of horrors that ought to make your very viscera crawl, and the very stones at your feet rise up, just remember, as you go about your daily duties, wherever you are and whatever you may be doing, that every time the clock strikes, 6,500 innocent, intelligent, and highly sensitive beings have had their heads smashed with an axe, and their throats lunged through, and have struggled, and shuddered, and seen the world vanish from their eyes, here in these godless charnels. And remember, too, that this appalling carnage goes on, and on, and on, day after day, month after month, year after year.

"What for"? Why, bless your life! In order that men and women may pray for mercy, and preach the Golden Rule, and deplore injustice, with their bellies full of blood!

I would like to retain respect for the religion of my boyhood, but when I see that religion look with indifference, and even levity, upon a hemorrhage wide as the continents, and horrible even to "heathens" — not only wink at it, but apologize for it, and even belittle those few emancipated souls who are trying to stop it — I can but feel that such a faith has no just claims on the allegiance of thinking men. "Does it not shame you," cried "pagan" Plutarch away in the dawning, "to mingle blood and murder with Nature's beneficent fruits? Other carnivora you call savage and ferocious—lions, tigers, and serpents — yet you yourselves come behind them in no species of barbarity." Men and women who hold shares in the responsibility for the common crimes of our civilization would do better to stop giving money for missionaries and begin on themselves; for they commit every day of their lives greater crimes and more of them than the so-called heathens they are trying to "convert" ever dream of. The gods pity this world if we have got to go on for ever as we have in the past — a globeful of lip-virtuous felons!

It has been claimed that man cannot be a consistent humanitarian, because it is necessary for him to exploit others in various ways in order to provide for his own needs and desires.

This is the most common objection. ... It is the most common because it is the most selfish. So prominent is egoism in human psychology, and in the philosophies that have sprung from that psychology, that the most natural and convincing objections to any proposition are those prompted by and appealing to the selfish instincts. The question that arises in the mind of the ordinary man when a change in the arrangements of the world is suggested to him is not what will be the effect of the change on the universe, but what will be its effect on him—on that remarkable atom of the universe so zealously partitioned off from the rest of his own skin. Man has been so long accustomed to the undisputed privilege of spoliation, and has so long and so brilliantly imagined himself to be all there is in the world, that a proposition denying this privilege, however fair the proposition may be from an impartial point of view, is promptly classified as the allegation of a zany, and is supposed to be conclusively disposed of when it is shown to be capable of interfering with human convenience or pleasure.