Diogène Laerce,

Vies et doctrines des philosophes illustres, Livre VIII,

tr. Robert Genaille, 1933, pour les 2 premiers extraits, 

tr. Jean-Francois Balaudé et Luc Brisson, Livre de Poche, 1999 pour les 2 derniers extraits.

 

Vie et doctrine de pythagore

Précepte pratique concernant l'alimentation (VIII, 12-14)

La tradition veut qu’il ait le premier conseillé aux athlètes un régime carné, et qu’il ait d’abord donné ce conseil à Eurymène (cf. Phavorinos, Commentaires, livre III). Avant lui, ils ne se nourrissaient que de figues sèches, de fromage mou et de froment (cf. Phavorinos, Mélanges historiques, livre VIII). D’autres auteurs disent que c’est un autre Pythagore, maître de gymnastique, et non le philosophe, qui donnait ce conseil. Car le philosophe défendait le meurtre et interdisait même de goûter à la chair des animaux, qui avaient une âme, tout comme les hommes. Mais ce n’était là qu’un prétexte. En réalité, il défendait de manger la chair des animaux pour exercer et accoutumer les hommes à une vie simple et aisée, de façon qu’ils aient toujours leur nourriture à portée de la main, sans avoir besoin de la faire cuire, et à ne boire que de l’eau, car ce régime entretient la santé du corps et l’agilité de l’esprit. On sait par ailleurs qu’il ne faisait ses dévotions à Délos qu’à un seul autel, celui d’Apollon Générateur, qui est derrière celui de la Corne, parce qu’on n’y consacrait que du blé, de l’orge et des galettes, sans y allumer de feu, et qu’on n’y immolait aucune victime, comme Aristote en témoigne dans sa Constitution délienne.

La tradition veut encore que le premier il ait découvert la migration de l’âme, qui, décrivant un cercle selon l’arrêt du destin, passe d’un être dans un autre pour s’y attacher. Le premier aussi, il introduisit en Grèce les poids et mesures (cf. Aristoxène le musicien). Le premier enfin, il montra que l’étoile du soir et l’étoile du matin ne sont qu’un seul et même astre, découverte attribuée par d’autres à Parménide. (...)

Règles pratiques suivies par Pythagore (VIII, 19-20):

Avant tout il interdisait de manger du rouget et de l’oblade et encore du coeur d’animal ou des fèves. Aristote y ajoute la matrice et le mulet de mer. Quelques auteurs veulent qu’il ait eu pour habitude de se contenter tantôt de miel ou de pain, et de ne point boire de vin chaque jour. Comme mets, il prenait la plupart du temps des légumes bouillis et crus, et rarement du poisson. Il portait une robe blanche, propre, et utilisait des couvertures de laine blanche, car le lin n’avait pas encore pénétré dans ces régions. On ne le vit jamais se donner d’indigestion, ni faire l’amour, ni s’enivrer. Il ne riait ni ne plaisantait, ne disant jamais ni bon mot, ni conte léger. S’il s’est mis en colère, il n’a jamais frappé cependant personne, ni esclave, ni homme libre. Il appelait la réprimande « un avertissement ». Il ne pratiquait que la divination augurale par le vol des oiseaux, et s’opposait à celle qui s’accomplit par le moyen du feu, ne faisant exception que pour les encens. Il n’offrait en sacrifice aucun être animé ; quelques auteurs disent pourtant qu’il immolait des coqs et des chevreaux jeunes et tendres, mais jamais d’agneaux. Aristoxène, en tout cas, déclare qu’il permettait de manger toutes sortes d’animaux, excepté les boeufs de labour et les moutons.

Les pythagoriciens chez les poêtes comiques: (VIII, 36)

voilà ce qu'il [Xénophane] dit de lui [Pythagore]:

Alors qu'un jour il passait près d'un jeune chien qu'on battait,
il fut, raconte-t-on, pris de pitié et prononça ces mots:
"Arretez ces coup de bâton, car c'est l'âme d'un être qui m'est cher.
Je la reconnais en l'entendant aboyer."

Epigramme de Diogène Laërce (VIII, 44):

Ainsi donc, Pythagore était sage au point, qu'il
ne voulait pas goûter à la viande et disait que c’était un acte injuste.
Mais il laissait les autres en manger et disait que c'était un acte injuste.
Mais il laissait les autres en manger. J'admire ce sage. Il ne faut pas dit le maître,
commettre l'injustice, mais les autres il les laisse faire.