Paul Jouveau du Breuil

 

 

 

Paul Jouveau du Breuil,

Plaidoyer pour les bêtes,

Paris, Panharmonie, 1968, p.1-15.

 

PLAIDOYER POUR NOS AMIES LES BÊTES

« Hommes, soyez humains »
(Voltaire)

LE RESPECT DE LA VIE.

Notre époque paraît animée d'un vaste mouvement de sympathie envers les animaux ou, tout au moins, de certains d'entre eux.

Il est grand temps, en effet, que l'homme considère enfin la Viecomme un bien universel ne lui appartenant nullement en propre, mais au contraire, que la domination de la faune et de la flore lui implique des devoirs impératifs. L'homme doit rompre avec l'instinct de la seule préservation de son espèce pour respecter la vie sous toutes ses formes puisque sa vie propre est intimement solidaire de l'élan vital l'environnant de toutes parts.

C'est dans tous nos actes qu'il nous appartient donc d'en témoigner. Trop d'êtres se refusent à méditer sur ce fait essentiel parce que, même s'ils éprouvent parfois un sentiment de pitié envers les animaux, ils demeurent incapables de lui accorder une place dans l'éthique de leur vie. La lacune considérable de la morale occidentale est de n'avoir dicté des devoirs à l'homme que sur ses rapports avec son prochain[1]. En effet, le christianisme (et la société occidentale qui en est issue) s'est révélé incapable d'inscrire dans ses dogmes le respect des créatures animales, éthique pourtant implicitement présente dans l'esprit évangélique puisque François d'Assise y puisa l'amour qu'il portait à la Nature et aux animaux « ses frères »[2].

Lorsque l'homme est enfin, touché par le respect de la vie, il ne se résigne plus à détruire d'autres vies que par une nécessité absolue à laquelle il ne peut se soustraire : jamais il n'y consent intérieurement. Il importe donc que notre attitude envers le règne animal soit réformée, faute de quoi l'intelligence humaine n'aurait aucune portée morale et laisserait l'homme incapable d'élever sa conscience au-dessus de l'instinct bestial de la seule défense de son espèce.

En devenant maître absolu du milieu extérieur (tout au moins dans ses possibilités de destruction), l'homme s'est rendu responsable de la destinée de la biosphère ; il lui revient donc le devoir d'établir la paix avec les animaux qu'il persécute impitoyablement, au même titre qu'il doit mettre tous ses efforts à faire régner la paix dans l'espèce humaine. Vouloir l'un sans l'autre démontrerait un égoïsme inconciliable avec les prétendus mouvements de sympathie envers les animaux et une totale incapacité d'élever notre sentiment moral vers les moeurs simples et inoffensives que réclamaient, il y a vingt-cinq siècles, Pythagore et Platon pour mériter l'avènement à une ère meilleure.

Il est en effet impossible de se montrer brutal envers les animaux et d'être ensuite bienveillant pour les hommes. Tous ceux qui se donnent la peine d'apprivoiser et de dresser des animaux, sont surpris de constater, chez un grand nombre d'entre eux, la présence d'un intellect souvent très proche de celui de nos jeunes enfants ; il ne manque souvent que la parole aux animaux domestiqués de l'homme.

Quant aux bêtes travaillant pour nous et dont les énergies et les produits sont utilisés à notre profit, elles doivent être traitées avec un minimum de reconnaissance comme c'est la coutume dans une grande partie de l'Orient. Il est absolument machiavélique de se servir du produit des animaux domestiques et de favoriser la reproduction du gibier d'élevage pour ensuite les assassiner délibérément pour satisfaire nos appétits ou notre plaisir de la chasse.

On comprend mal comment on peut à la fois entreprendre des campagnes de préservation d'espèces en voie de disparition et autoriser la destruction d'espèces inoffensives plus courantes ; si la morale justifie le meurtre des formes de vie courantes, on comprend que les guerres anéantissant des générations de jeunes hommes trouvent encore leur raison d'être en nos jours de surpopulation...

Si nous sommes véritablement l'animal supérieur entre tous et si, selon le mot de Pascal « L'homme passe infiniment l'homme », il est grand temps qu'il en donne la preuve autrement qu'en affirmant l'ancestrale loi de la jungle en raison d'une intelligence trop souvent utilisée pour la domination inconsidérée de la Nature et l'exploitation éhontée de vies sacrifiées abusivement à nos fins personnelles.

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LA DOULEUR QUI SE TAIT
N'EN EST QUE PLUS FUNESTE (Racine).

Notre attitude à la fois la plus paradoxale et la plus barbare est, sans nulle doute, celle que, bon gré, mal gré, nous observons à l'égard des bêtes cruellement qualifiées « de boucherie ».

La conscience, dont la science la plus moderne reconnaît indéniablement la présence, à des degrés plus ou moins élevés, dans toutes les formes de vie, permet aux animaux traînés dans les abattoirs d'éprouver une angoisse tragique devant le meurtre systématique perpétré sur elles ; d'autant que l'animal, interdit devant la cruauté humaine déployée envers lui, n'a même pas le soulagement de l'étincelle de l'espoir, suprême consolation devant la mort[3]. L'anesthésie imposée pour les tuer « sans douleur » ne dégage d'ailleurs nullement notre responsabilité ; dirait-on qu'un assassin ayant préalablement chloroformé sa victime aurait pour autant atténué la réalité de son crime ? C'est l'acte perpétré avec préméditation qui engage et les moyens « humanitaires » que l'homme vampire emploie pour soulager la souffrance animale ne font que mettre lâchement sa conscience à l'abri d'une responsabilité inéluctable.

La réforme capitale à réaliser consiste donc, selon ce que Tolstoï appelait « Le premier pas vers un monde meilleur », à renoncer à l'alimentation sanglante.

On oublie trop souvent que l'homme, comme le singe, est un frugivore, et non un carnivore, ou un omnivore comme on a tendance à le croire. Les hygiénistes, les physiologistes et les anatomistes reconnaissent que les fruits, les graines et les légumes constituent l'alimentation naturelle de l'homme, lequel, très probablement, ne devint carnivore qu'après avoir déserté ses habitats sylvestres ou, selon le grand philosophe Jean-Antoine Gleizes[4] à la suite d'un cataclysme (déluge ou période glaciaire) qui, engendrant la famine, conduisit l'Adam arboricole au carnivorisme (le véritable fruit défendu), de par son exil du Jardin d'Eden qu'était la zone forestière où il puisait sa nourriture.

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L'HOMME CREUSE SA TOMBE
AVEC SES DENTS (Sénèque).

Si le propos moral ne retient pas l'attention de nombre d'entre nous, celui de la santé éveille infiniment plus l'intérêt, car nombre de diététiciens estiment que la consommation de la viande est cause d'un grand nombre de maladies, les toxines constituant de véritables poisons s'infiltrant dans l'organisme et y jouant un rôle important dans le développement de certains cancers, maladie rarissime chez les végétariens et fréquente chez les carnivores en proportion de leur consommation cadavérique[5] .

Les Occidentaux, amenés depuis à peine un siècle à une alimentation abusivement chargée de viandes, n'imaginent plus que l'on puisse vivre en s'en abstenant, oubliant que, de nos jours encore, des centaines de millions d'Orientaux sont d'absolus végétariens pour des raisons tout autres que celle de la malnutrition ; à ce propos, il est intéressant d'observer que les organismes internationaux d'aide aux pays sous-développés considèrent que l'urgence alimentaire des populations affamées réclame des secours en céréales et en lait, non en viande, celle-ci étant un aliment carencé présentant de grandes difficultés de conservation et d'un prix de revient fort élevé[6].

De tous temps, de nombreux championnats furent remportés par des athlètes non carnivores malgré la minorité qu'ils représentaient dans le milieu sportif.

Rappelons encore que les explorateurs européens restèrent longtemps médusés devant la longévité et les extraordinaires endurances physiques des Hounzas, vivant dans une vallée de l'Himalaya au nord du Cachemire. Ce petit peuple agricole sans maladies, où les centenaires sont plus nombreux qu'en aucun autre pays, doit sa surprenante vitalité à un mode de vie naturiste absent de consommation carnée, d'alcool et de tabac[7] .

L'homme moderne attendra donc, pour réformer ses moeurs alimentaires, que la médecine affirme publiquement que la consommation de la viande lui est aussi néfaste que celle de l'alcool et du tabac dont on ne cesse de confirmer les désastres...

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Pourtant, n'est-il pas surprenant que l'homme, habituellement si prétentieux, ne soit pas choqué de se trouver associé, de par sa consommation de chairs cadavériques, aux animaux envers lesquels il éprouve généralement de la répulsion : hyènes, chacals, vautours et rapaces divers ? Cependant, la cruauté naturelle de ces bêtes ne supporte pas la comparaison avec celle de l'être conscient sélectionnant ses proies et les préparant avec raffinement pour son estomac, cimetière sans lendemain.

Malgré toutes les raisons d'ordre moral et prophylactiques, il n'empêche qu'on reste interdit devant l'adversité rencontrée par le végétarisme.

Les oppositions sont d'autant plus farouches que les efforts exigés pour l'abandon de l'alimentation sanglante sont parfois difficiles en raison des habitudes ancestrales. Certains détracteurs plastronnent que le végétarisme n'est pas sérieux, le « sérieux » consistant sans doute à suivre les sentiers battus de la norme, même si ceux-ci ne mènent nulle part...

Nous allons tenter d'analyser les arguments antivégétariens.

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IL EST DIFFICILE DE DISCUTER AVEC LE VENTRE,
CAR IL N'A PAS D'OREILLES (Caton l'Ancien).

 

Certains détracteurs font observer que si la vie sensible se trouve aussi bien dans le règne végétal que dans le règne animal, il y a autant de tort causé par la consommation végétarienne.

Sur ce point, l'opinion du grand savant hindou Sir Jagadish C. Bose est lumineuse : « Est-il possible d'être aussi superficiel ! Entre toutes les formes « de vie, minérales, végétales, animaleset humaines, il n'y a que des différences « de degré et non de nature. Mais la distancequi sépare la vie et la sensibilité « végétale de celle des animaux est immense.Il y a beaucoupmoins de « différence entre les animaux et les hommes qu'entreles animaux et les plantes « avec l'argumentdes mangeurs de viande on arriverait facilement à « excuser l'anthropophagie »[8] .

Ce sont précisément ces nuances d'évolution des formes de la vie, exigeant de nous des égards appropriés, qui autorisaient certaines communautés, comme les Marcionites et, plus tard, les Cathares, à pratiquer un « demi-végétarisme » en mangeant du poisson.

Un autre argument consiste à accuser les pratiquants de l'alimentation non-carnée de porter des chaussures en cuir.

Le cuir est un sous-produit de la boucherie ; on pourrait tout aussi bien utiliser des peaux d'animaux morts dans des conditions plus naturelles. Autrefois on se vêtait de peaux de bêtes, mais les vêtements modernes sont fabriqués à partir de moyens moins primitifs, depuis l'inoffensive utilisation de la laine et du coton jusqu'à la vulgarisation de plus en plus importante d'objets fabriqués à partir de fibres synthétiques telles que nylon, tergal, etc. Devant l'industrie croissante des matières plastiques, l'usage du cuir reculera. Le jour où le marché offrira des articles, actuellement fabriqués en cuir, confectionnés avec de nouvelles matières premières, la logique imposera de les utiliser au même titre qu'il est aisé, de nos jours, de se procurer des aliments remplaçant avantageusement la viande[9] .

Les femmes portant des fourrures animales doivent s'abstenir du port de peaux arrachées à des bêtes inoffensives tuées dans des conditions souvent atrocement brutales. Leur conscience y gagnerait ce que l'élégance féminine perdrait dans un choix reporté sur des fourrures artificielles.

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Une reconversion des professions s'imposera petit à petit comme nombre de viticulteurs s'adonnent déjà à la vente de produits non alcoolisés. Il est bien évident que ce n'est pas du jour au lendemain et sans sacrifices qu'une société peut abandonner le carnivorisme, sans devoir reconsidérer les problèmes variés découlant d'une telle réforme, mais, lorsqu'on considère les efforts dont se révèlent capables les nations pour préparer la guerre, on s'étonne qu'un peuple, dit civilisé, ne trouve en son sein davantage de bonnes volontés et de science pour accéder vers un ordre humain compatible avec des inspirations plus élevées, prometteuses d'une véritable et durable Paix dont l'abandon du meurtre alimentaire constitue le premier véritable pas vers l'âge d'or de l'humanité prophétiquement annoncé par Isaïe : « On ne fera plus de mal ni de ravages sur toute ma montagne sainte ».

L'économie, résultat du produit des « bêtes de boucherie », constitue une telle puissance qu'il faudra bien des luttes et peut-être des siècles pour abolir nos moeurs sanguinaires actuelles. Entre les guerres serviles atteignant leur apogée avec la célèbre révolte de Spartacus et la Proclamation des Droits de l'Homme, combien de siècles se sont écoulés pour que l'esclavage soit aboli ? Il n'y a pas deux siècles que le statut d'homme était encore refusé aux esclaves noirs traités comme de vulgaires bêtes de somme. Mais nos amies les bêtes n'ont pas d'autres moyens de se révolter que de lancer désespérément leurs cris de plaintes et de souffrances vers des consciences obscurément sourdes à leurs appels. Leur libération résultera de l'écho de pitié que leur fleuve de sang finira bien par éveiller un jour dans le coeur des hommes.

Si une majorité ne peut s'affranchir délibérément du carnivorisme entraînant le maintien barbare des industries de la mort que sont les abattoirs, tout homme intelligent doit, en tout cas, prendre conscience de sa complicité morale dans le meurtre perpétré par la demande du consommateur carnivore.

La mutation du stade de l'homme actuel à celui de l'homme conscient s'effectuera par des nécessités inattendues. Il ne serait pas surprenant que le problème de la faim, dû à l'extension démographique mondiale, trouve sa solution dans la mise en valeur de terres nouvelles par l'agriculture biologique, car, on ignore trop souvent que le rapport de rentabilité d'une terre de culture est de DIX A CENT FOIS supérieur en poids à celui d'une terre d'élevage de bêtes destinées à la boucheri[10].

UNE DES BASES FONDAMENTALES
DE PROGRES INDIVIDUEL

Sur le plan des facultés humaines les plus nobles, les sages de l'Antiquité savaient déjà que l'alimentation non-carnée exerce une influence particulièrement sensible sur la pensée.

L'histoire nous donne l'exemple d'une pléiade de géants intellectuels s'étant mis en devoir de pratiquer le végétarisme, depuis le Bouddha et la tradition bouddhique, Pythagore et ses disciples, saint Jean Chrysostome, Platon, Sénèque, Plutarque et combien d'autres, jusqu'à Wagner, Tolstoï et Maeterlinck en passant par le génial Léonard de Vinci et Pascal, pour n'en citer que les plus marquants.

Mieux que quiconque, le grand poète Lamartine sut décrire en des vers immortels toute l'horreur qu'il éprouvait à l'égard de nos mœurs alimentaires :

 

«... Ces hommes pour apaiser leur faim

« N'ont pas assez des fruits que Dieu mit sous leur main.

« Par un crime envers Dieu, dont frémit la Nature,

« Ils demandent au sang une autre nourriture.

« Dans leurs cités fangeuses, il coule par ruisseaux

« Les cadavres y sont étalés en monceaux.

« Ils traînent par les pieds, des fleurs de la prairie,

« L'innocente brebis que leur main a nourrie.

« Et sous l'oeil de l'agneau l'égorgeant sans remords,

« Ils savourent ses chairs et vivent de la mort.

« .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..

« De cruels aliments incessamment repus,

« Toute pitié s'effaça en leurs coeurs corrompus.

« Le meurtre par milliers s'appelle une victoire,

« C'est en lettres de sang que l'on écrit la gloire ».

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CHRISTIANISME ET VEGETARISME.

En dehors des fanatiques de la pureté alimentaire pour simple raison prophylactique, ce qui constitue une forme de matérialisme puisque ne visant qu'à la santé corporelle, les grands esprits animés .du souci de l'élévation humaine, assignèrent à leurs disciples un régime pratiquement végétarien. Ce fut le cas du remarquable prophète Zarathoustra, réformateur de l'antique religion mazdéenne dont l'éthique de pureté spirituelle eut de prodigieuses répercussions sur l'ancienne Perse, la tradition judaïque à partir de la libération de Babylone par Cyrus et la civilisation hellène d'où le pythagorisme devait fleurir dans toute la Méditerranée orientale[11] .

Si le christianisme primitif, plongé dans un inextricable contexte politico-social et religieux, ne nous a pas transmis d'éthique morale alimentaire, il n'en est pas moins vrai que nombre de communautés judéo-chrétiennes de l'époque évangélique pratiquaient un végétarisme d'observance plus ou moins stricte, comme ce fut le cas des Marcionites, des Ebionites et surtout de l'admirable secte des Esséniens avec laquelle le message christique offre de si frappantes similitudes que les auteurs les plus autorisés affirment que Jésus, s'il n'en fit pas partie, en subit en tous cas une grande et indéniable influence[12] . N'est-il pas, en tout cas, éminemment significatif que le Christ institua l'Eucharistie avec une coupe du produit de la vigne[13] et un morceau de pain sans levain, au lieu de se servir, comme la tradition judaïque orthodoxe l'aurait voulu, de morceaux de chair rôtie de l'agneau pascal et, qui plus est, selon une ordonnance exactement semblable à celle des repas communautaires esséniens ?

Cependant, l'attitude de saint François d'Assise, « cette copie la plus parfaite de Jésus » (E. Renan), « qui avait toujours une singulière pitié pour les animaux paisibles » se révèle extrêmement contradictoire. D'une part, nous le voyons apaiser un loup meurtrier ou sauver d'innocentes tourterelles avec compassion, et d'autre part, consentir à ce que l'hôte d'un soir tue, en son honneur, un chapon pour son dîner[14] . N'est-elle pas troublante cette règle franciscaine[15] qui enjoint de manger tout ce qui est servi, sous prétexte de la phrase de l'évangile selon S. Luc[16] ? On reste médusé qu'un des plus grands et des plus populaires saints catholiques fut si catégoriquement attaché à l'interprétation littérale d'une phrase de l'un des synoptiques, contrairement à l'injonction de Jésus : « La lettre tue, l'esprit vivifie »...

Si la tradition officielle chrétienne n'a donc pas su nous transmettre une des bases aussi capitale de progrès spirituel que celle de l'abstinence de la consommation carnée (et de l'alcool : observance pourtant stricte chez d'autres grands courants religieux), il importe toutefois de souligner l'exemple de pureté alimentaire de certains grands mystiques chrétiens dont sainte Thérèse d'Avila et saint Jean de la Croix et d'Ordres contemplatifs (Carmélites, Chartreux, Trappistes)[17] , autant que de sectes bien connues, telles que les Quakers, Adventistes, la Bible Christian Church, les Tolstoïens, etc.

Il paraît, en effet, parfaitement logique d'étendre la prescription mosaïque du Décalogue « Tu ne tueras pas » à tout ce qui porte vie, surtout lorsqu'il s'agit du meurtre alimentaire inutile perpétré sur des animaux pacifiques et amis de l'homme. Car, n'est-il pas surprenant de voir des croyants encore fanatiquement attachés à la lettre biblique transgresser délibérément la première prescription divine de la Genèse : « Je vous donne toutes les herbes portant semence qui sont sur toute la surface de la Terre et tous les arbres qui ont des fruits portant semence : ce sera votre nourriture (Gn. 1.29) ?

Il n'est donc pas étonnant que nombre d'Orientaux se montrent infiniment surpris à la vue d'Occidentaux, soi-disant animés de sentiments religieux, mais si étrangers pourtant d'un culte réel, parce qu'inscrit dans l'éthique morale de la Vie : le RESPECT DES CREATURES SENSIBLES.

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Après que Platon eut déclaré que la consommation de la viande est cause de maladies et de guerres (République), pour le philosophe du XIXe siècle, J.A. Gleizes, l'alimentation sanguinaire représentait une des principales causes des nombreuses formes du Mal répandu sur la Terre.

Il est, en tous cas, certain qu'une civilisation qui, abritée par une philosophie religieuse ou une idéologie matérialiste, qui lui donne bonne conscience, continue délibérément à assassiner industriellement des animaux pour les exposer ensuite horriblement tronçonnés aux regards d'un public carnivore, se révèle également prête à voir rééditer les actes d'atrocités que la dernière guerre mondiale nous a si douloureusement exposés.

Pourrait-on mieux conclure, qu'en citant l'opinion du plus grand pacifiste moderne, le Mahatma Ghandi, propagateur militant de l'ahimsa indienne (la non-violence) qui, par une attitude sans précédent, obtint la libération pacifique de son pays : « Les gens qui se disent pacifistes et amis des animaux et qui mangent de la viande sont des farceurs ».

Aimer les animaux ne consiste pas à en caresser certains pour en faire égorger d'autres dans l'ombre.

Bien que les circonstances de notre longue et laborieuse évolution, nous contraignirent jadis à adopter des pratiques carnassières, la vie de l'anthropoïde humain ne dépend plus aucunement du maintien d'une nourriture funeste qui, pour s'être imposée autrefois, ne saurait absolument plus répondre à la raison quand elle contrarie la dignité humaine, aujourd'hui aussi impérieusement nécessaire à la survie de l'homme que la chair des animaux le lui devint en d'autres temps depuis longtemps révolus.

FIN

Toute personne justement soucieuse de s'informer sur l'alimentation harmonieuse peut se procurer à Panharmonie, 16, rue de Dobropol, Paris XVIIe, la brochure SANTE ET PROGRES, de J. de Marquette, pour la modique somme de 2 Fr.

L'Association PANHARMONIE, fondée et présidée par Jacques de Marquette, reçut dès 1930 le patronage de Gandhi.

Les magasins de régime et de santé qui se multiplient dans toutes les grandes villes peuvent aussi donner de précieux renseignements pratiques pour l'initiation végétarienne, notamment dans l'apport des protéines végétales.

Les hommes mériteront la Paix lorsqu’ils cesseront de vivre sur un fleuve de sang de bêtes innocentes

 

 

 


 

 

[1] A. Schweitzer.

[2] Ne faut-il pas voir dans ce « prochain » dont parle l'Evangile tout ce qui nous est proche, c'est-à-dire l'ensemble de la biosphère en commençant par les mammifères supérieurs ?

[3] Au congrès international contre la vivisection, en août 1967, à Amsterdam, la Coalition Mondiale contre la Vivisection fit une remarquable communication à ce sujet.

[4] Propagateur du végétarisme en Allemagne et auteur de « La Thalysle  » qui inspira Wagner pour la composition de « Parsifal ».

[5] Tout aliment d'origine animale intoxique par ses purines tandis que la protéine végétale n'offre pas ce danger.

[6] Un kilo de filet de boeuf ne fournit que 900 calories, alors qu'un kilo de germes de blé en fournit 3.100 ; et c'est la graine de soja qui renferme la protéine la plus proche de la protéine humaine.

[7] « Des Hounzas aux Yoguis », Jacques de Marquette (Panharmonie).

[8] Il est bien évident que les animaux porteurs d'organes des sens similaires aux nôtres, avec cerveau, bulbe rachidien et système nerveux complexe, éprouvent une émotivité et enregistrent la douleur infiniment mieux que les formes de vie inférieures possédant un système de perception sensitive primaire.

[9] N'est-ce pas la plus noble fonction de la science que de permettre à l'homme d'acquérir plus de conscience ?

[10] Communication du Congrès International Végétarien (Janvier 1966) au Premier Ministre de la République indienne sur le problème alimentaire de l'Inde.

[11] « La civilisation iranienne » Payot 1952, par un groupe d'iranologues experts et « Introduction au Zoroastrisme » par J. de Marquette et P. Jouveau du Breuil (Panharmonie 1968).

[12] « Les écrits esséniens découverts près de la Mer Morte  » par le Prof A. Dupont-Sommer et « Les Manuscrits de la Mer Morte et les origines du Christianisme » par le R.P. J. Daniélou (Paris, 1957).

[13] Le produit de la vigne qualifié de vin dans les évangiles était en réalité le « tirosh », jus de raisin doux.

[14] « Fioretti », chap. 21-22 et chap. add. 12.

[15] 1 Reg. 3 — Notons toutefois la constitution contraire de Frère Elie ordonnant « qu'aucun frère de l'Ordre ne mangeât de la viande » (chap. 4).

[16] Lc. 10.8. — Rappelons en passant l'extrême confusion qui ressort des conclusions scientifiques sur la rédaction des évangiles dont il semble être retenu pour certain l'antériorité de Marc sur Matthieu et Luc, Marc étant lui-même constitué à partir de l'Evangélion de Marcion. Le respect de la Vie est une notion morale infiniment plus élevée que la simple question de la politesse à tenir en acceptant n'importe quel plat de son hôte.

[17] Signalons la production de purs germes de blé, d'une richesse alimentaire incomparable des moines trappistes de l'Abbaye de Septfons.